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DROITS DU ROI DE PRUSSE

Elle passa de la maison de Lorraine aux ducs de Brabant. Henri II, duc de Brabant, l’ayant donnée à son frère comme un apanage, alors les ducs de Brabant prétendirent un droit de seigneur suzerain sur la terre qu’ils avaient donnée. Ce droit était visiblement un abus qui blessait les lois de l’empire. L’abus subsista par la puissance des ducs de Bourgogne, qui furent maîtres de la Flandre.

Sous les ducs de Bourgogne, Herstall tomba entre les mains de la maison de Nassau, et elle ne pouvait y tomber qu’avec ses droits imprescriptibles. Elle appartenait, en 1546, à Guillaume de Nassau encore mineur, lorsqu’un fils naturel de l’empereur Maximilien, oncle de Charles-Quint, était évêque de Liége, et que Marie de Hongrie, sœur de Charles-Quint, gouvernait les Pays-Bas. La reine de Hongrie voulut avoir le terrain où elle bâtit depuis la ville de Marienbourg. Ce terrain appartenait à l’Église de Liége. L’évêque céda à sa nièce ce dont il ne pouvait guère disposer, et la nièce donna à son oncle la juridiction et la souveraineté de Herstall, qui ne lui appartenait point du tout.

Dans ce contrat signé par les deux parties, sans l’intervention des états de Brabant et sans aucune formalité, l’Église de Liége avait fait un si bon marché, et ce qu’elle cédait était si peu proportionné à ce qu’on lui donnait, qu’on fut obligé de le rompre en 1548. La reine Marie ne donna alors à l’évêque de Liége que la moitié du bien, au lieu du total qu’elle avait cédé. L’évêque n’eut donc sa prétention abusive que dans la partie de Herstall qui est en deçà de la Meuse, du côté de Liége.

Les tuteurs du prince Guillaume L. de Nassau, mineur, protestèrent partout contre cette injustice. Ils firent leurs représentations à la reine de Hongrie. Cette princesse fit voir alors un exemple de justice et de grandeur de courage, digne d’être imité aujourd’hui par l’évêque de Liége : elle reconnut son tort, elle se rétracta ; elle déclara solennellement, par écrit, que l’empereur ni elle ne voulaient passer plus avant, ni contraindre déraisonnablement… Elle se servait à la vérité du terme de vassal. Les princes, dit-elle, ne doivent contraindre déraisonnablement leurs vassaux. Le terme était ambigu ; on ne savait si on devait entendre vassal de l’empire ou vassal du Brabant ; mais il est certain qu’elle ne pouvait ni ôter à Guillaume de Nassau son bien, ni à la terre de Herstall ses vraies prérogatives ; et quand même la principauté de Herstall eût relevé du Brabant, pouvait-on forcer un mineur à relever de Liége ?

La maison de Nassau, grâce à l’équité de la reine Marie, resta