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DROITS DU ROI DE PRUSSE

le devînt ; on voulut rendre au moins son droit douteux ; on se fit rendre hommage à la cour féodale de Liége par une dame, comtesse de Mérode, qui réclamait, au hasard, la terre de Herstall. Ce n’est pas que la comtesse de Mérode y eût le moindre droit, mais c’est qu’on voulait établir sa prétendue souveraineté, et que, dans cette vue, on recevait hommage de quiconque voulait bien le rendre.

Guillaume III, devenu depuis le défenseur de la Hollande et de la moitié de l’Europe, dédaigna, dans le cours de ses longues guerres, de compter l’affaire de Herstall parmi les soins importants dont il était chargé ; et, sans songer à punir ce qu’il avait essuyé dans sa minorité, ni à prévenir pour jamais de nouveaux attentats, il se contenta de jouir dans Herstall de ses droits régaliens, que l’évêque de Liége se garda bien alors de disputer. À la mort du roi Guillaume, les prétentions de Liége recommencèrent.

La terre devint, à la vérité, le partage du roi de Prusse. Mais comment savoir si tôt quels étaient les droits de Herstall ? comment découvrir des titres que l’usurpation avait cachés, que la violence avait dissipés ? à qui s’en rapporter ? Des officiers, mal informés, et sans attendre d’ordre, prirent des reliefs de ce fief de l’empire en Brabant et à Liége. On sait qu’à l’ouverture d’une succession, les héritiers se pourvoient partout comme ils peuvent, sauf ensuite à examiner leurs droits, et à redresser leurs torts. C’est ce qui arriva pour lors, et c’est ce qui ne peut donner aucun prétexte à l’usurpation : car ces reconnaissances, faites ou salvo jure, ou par ignorance, ou par contrainte, furent toujours désavouées par les rois de Prusse. Il parut bien, en 1733, que le feu roi de Prusse les avait condamnées, et qu’il voulait soutenir ses droits, puisque, sans un accord qui fut proposé, il aurait vengé par les armes tant d’atteintes portées à son autorité.

Il fit recouvrer et assembler ses titres par un ministre savant, résidant pour lors à la Haye : il les examina. L’évêque de Liége en eut la communication ; il vit l’origne sacrée des droits du roi, telle qu’elle est dans ce sommaire ; et il en a tellement reconnu en secret la validité qu’il n’a pas même entrepris d’y répondre en public : car, en parlant de ces anciens échanges sur lesquels il se fonde, il ne laisse pas seulement entrevoir que ces échanges aient pu être vicieux.

Le roi aujourd’hui régnant a étudié cette affaire longtemps, et avec scrupule, avant de s’y engager, persuadé qu’un prince ne doit faire aucune démarche si elle n’est très-juste, et qu’il ne doit