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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/21

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SUR DEUX ÉPÎTRES D’HELVÉTIUS.

IIIe LEÇON.

Quel funeste pouvoir, quelle invisible chaîne,
Loin de la vérité, retient l’homme ou l’entraîne ?
Esclave infortuné des mensonges divers,
Doit-il subir leur joug, peut-il briser leurs fers[1] ?
Peut-il, sourd à l’erreur, écouter la sagesse ?
Oui, s’il fuit deux tyrans, l’orgueil et la paresse.
L’un, Icare insensé, veut s’élever aux cieux,
S’asseoir, loin des mortels, sur le trône des dieux,
D’où l’univers entier se découvre à sa vue.
Il le veut, il s’élance, et se perd dans la nue[2].
L’autre, tyran moins fier, sybarite hébété,
Conduit par l’ignorance à l’imbécillité,
Ne désire, ne veut, n’agit qu’avec faiblesse.
Si d’un pas chancelant il marche à la sagesse,
Trop lâche, il se rebute à son premier effort ;
Au sein des voluptés il tombe et se rendort[3].
De l’univers captif si l’erreur est la reine,
Jadis ces deux tyrans en ont forgé la chaîne.
C’est par le fol orgueil qu’autrefois emportés,
De sublimes esprits amants des vérités,
Nés pour vaincre l’erreur, pour éclairer le monde,
Le couvrirent encor d’une nuit plus profonde.
Un Persan le premier prétendit dans les cieux
Avoir enfin ravi tous les secrets des dieux[4].
Le premier en Asie il assembla des mages,
Enseigna follement la science des sages ;
Raconta quel pouvoir préside aux éléments,
Quel bras leur imprima les premiers mouvements.
Le grand Dieu, disait-il, sur son aile rapide,
Fendait superbement les vastes mers du vide ;
Une fleur y flottait de toute éternité ;
Dieu l’aperçoit, en fait une divinité :
Elle a pour nom Brama, la bonté pour essence ;
L’ordre et le mouvement sont fils de sa puissance.
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  1. Très-bien. (Note de Voltaire.)
  2. Bien, ces six vers. (Id.)
  3. Les deux vers auxquels vous avez substitué ces deux-ci étaient bien, et ceux-ci sont mieux. (Id.)
  4. Bien. (Id.)
  5. Ici étaient des vers sur lesquels Voltaire disait : « Je retrancherais ces