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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/227

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À L’ACADÉMIE FRANÇAISE.

ceux qui avaient contribué à la victoire ; et cette récompense est la plus belle pour des Français.

Mais ce qui sera conservé à jamais dans les fastes de l’Académie, ce qui est précieux à chacun de vous, messieurs, ce fut l’un de vos confrères qui servit le plus votre protecteur et la France dans cette journée ; ce fut lui qui, après avoir volé de brigade en brigade, après avoir combattu en tant d’endroits différents, courut donner et exécuter ce conseil si prompt, si salutaire, si avidement reçu par le roi, dont la vue discernait tout dans des moments où elle peut s’égarer si aisément. Jouissez, messieurs, du plaisir d’entendre dans cette assemblée ces propres paroles, que votre protecteur dit au neveu[1] de votre fondateur, sur le champ de bataille : « Je n’oublierai jamais le service important que vous m’avez rendu. » Mais si cette gloire particulière vous est chère, combien sont chères à toute la France, combien le seront un jour à l’Europe, ces démarches pacifiques que fit Louis XV après ses victoires ! Il les fait encore, il ne court à ses ennemis que pour les désarmer, il ne veut les vaincre que pour les fléchir. S’ils pouvaient connaître le fond de son cœur, ils le feraient leur arbitre au lieu de le combattre, et ce serait peut-être le seul moyen d’obtenir sur lui des avantages[2]. Les vertus qui le font craindre leur ont été connues dès qu’il a commandé ; celles qui doivent ramener leur confiance, qui doivent être le lien des nations, demandent plus de temps pour être approfondies par des ennemis.

Nous, plus heureux, nous avons connu son âme dès qu’il a régné. Nous avons pensé comme penseront tous les peuples et tous les siècles : jamais amour ne fut ni plus vrai ni mieux exprimé ; tous nos cœurs le sentent, et vos bouches éloquentes en sont les interprètes. Les médailles dignes des plus beaux temps de la Grèce[3] éternisent ses triomphes et notre bonheur. Puissé-je voir dans nos places publiques ce monarque humain, sculpté des mains de nos Praxitèles, environné de tous les symboles de la félicité publique ! Puissé-je lire au pied de sa statue ces mots qui sont dans nos cœurs : Au père de la patrie !

FIN DU DISCOURS DE M. DE VOLTAIRE.
  1. M. le maréchal duc de Richelieu. (Note de Voltaire.)
  2. L’événement a justifié, en 1748, ce que disait M. de Voltaire en 1746. (Id.)
  3. Les médailles frappées au Louvre sont au-dessus des plus belles de l’antiquité, non pas pour les légendes, mais pour le dessin et la beauté des coins. (Id.)