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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/328

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PANÉGYRIQUE

rappelant ces premiers temps du monde où les patriarches gouvernaient une famille immense, unie, et obéissante !

Ce roi montre de loin, à travers tant de siècles, à l’un de ses plus augustes descendants, comment il faudrait extirper le duel, et exterminer ce monstre que ses mains pures ont attaqué les premières. Et remarquons ici, messieurs, que c’est le plus valeureux des hommes, le plus jaloux de l’honneur, qui le premier a flétri cette fureur insensée, où les hommes ont si longtemps attaché l’honneur et le courage.

Cette partie de la justice, ce grand devoir des rois, qui assure aux hommes leurs vies et leurs possessions, porte en elle-même un caractère de grandeur qui élève et qui soutient l’âme qui l’exerce ; mais quelles peines rebutantes dans ces autres détails épineux, dont la discussion est aussi difficile que nécessaire, et dont l’utilité, souvent méconnue, donne rarement la gloire qu’elle mérite !

Les lois du commerce, qui est l’âme d’un État, la proportion des espèces, qui sont les gages du commerce, seront-elles l’objet des recherches du vainqueur des Anglais, du défenseur des croisés, du héros qui passe les mers pour aller combattre dans l’Égypte ? Oui, sans doute, elles le furent ; il enseigne à ses peuples qu’ils peuvent eux-mêmes faire avec les étrangers ces échanges utiles, dont le secret était alors dans cette nation partout proscrite et partout répandue, qui, sans cultiver la terre, en dévorait la substance ; il encourage l’industrie de son peuple ; il le délivre des secours funestes dont il était accablé par ce peuple errant, qui n’a d’industrie que l’usure.

Le droit de fabriquer en son nom les gages des échanges de la foi publique, et d’en fixer le titre et le poids, était un de ces droits que la vanité et l’intérêt de mille seigneurs réclamaient, et dont ils abusaient tous. Ils recherchaient l’honneur de voir leurs noms sur ces monuments d’argent et d’or ; et ces monuments étaient ceux de l’infidélité. Leur prérogative était devenue le droit de tromper les peuples. Que de soins, que d’insinuations, que d’art il fallut pour obliger les uns à être justes, et les autres à vendre au souverain ce droit si dangereux !

Voilà ce qui fut le plus difficile : car il ne lui coûtait pas de juger contre lui-même, quand il fallait décider entre les droits du domaine royal et les héritages d’un citoyen. Si la cause entre la vigne de Naboth et celle du prince était douteuse, c’était le champ de Naboth qui s’accroissait du champ de l’oint du Seigneur.

Du même fonds de justice dont il transigeait avec les parti-