là, malheureusement, qu’un célèbre poëte de nos jours[1] commença à se distinguer. Il n’avait réussi ni à l’opéra, ni au théâtre comique. Il se dédommagea d’abord par l’épigramme, et ce fut la source de toutes ses fautes et de tous ses malheurs. La plupart des sujets de ses petits ouvrages sont même si licencieux, et représentent un débordement de mœurs si horribles qu’on ne peut trop s’élever contre des choses si détestables ; et je n’en parle ici que pour détourner de ce malheureux genre les jeunes gens qui se sentent du talent. La débauche et la facilité qu’on trouve à rimer des contes libertins n’entraînent que trop la jeunesse ; mais on en rougit dans un âge plus avancé. Il faut tâcher de se conduire à vingt ans comme on souhaiterait de s’être conduit quand on en aura quarante. L’obscénité n’est jamais du goût des honnêtes gens. Je prendrai dans Rousseau le modèle du genre qui doit plaire à tous les bons esprits, même aux plus rigides ; c’est la paraphrase de Totus mundus fabula est.
Ce monde-ci n’est qu’une œuvre comique
Où chacun fait ses rôles différents.
Là, sur la scène, en habit dramatique,
Brillent prélats, ministres, conquérants.
Pour nous, vil peuple, assis aux derniers rangs,
Troupe futile, et des grands rebutée,
Par nous d’en bas la pièce est écoutée ;
Mais nous payons, utiles spectateurs :
Et quand la farce est mal représentée,
Pour notre argent nous sifflons les acteurs.
Il n’y a rien à reprendre, dans cette jolie épigramme, que peut-être ce vers :
Troupe futile, et des grands rebutée.
Mais on voit par ce petit morceau, d’ailleurs achevé, combien l’auteur était condamnable de donner dans des infamies dont aucune n’est si bien écrite que cette épigramme, aussi délicate que décente.
- ↑ Toujours J.-B. Rousseau. Cette insistance, mieux que tout le reste, trahit le véritable auteur.