plus simple, et non pas de meilleur ; les vers même qui ont le plus passé en proverbes ne sont pas toujours les plus dignes d’être retenus. Il y a incomparablement plus de personnes, dans l’Europe, qui savent par cœur J’appelle un chat un chat, et Rollet un fripon[1], et beaucoup de pareils vers, qu’il n’y en a qui aient retenu ceux-ci :
Pour paraître honnête homme, en un mot, il faut l’être[2].
Il n’est point ici-bas de moisson sans culture[3].
Celui-là fait le crime à qui le crime sert.
Tout empire est tombé, tout peuple eut ses tyrans.
Tel brille au second rang qui s’éclipse au premier[4].
C’est un poids bien pesant qu’un nom trop tôt fameux[5].
Nous ne vivons jamais, nous attendons la vie.
Le crime a ses héros, l’erreur a ses martyrs.
La douleur est un siècle, et la mort un moment[6].
Tous ces vers sont d’un genre très-supérieur à J’appelle un chat un chat ; mais un proverbe bas est retenu par le commun des hommes plus aisément qu’une maxime noble : c’est pourquoi il faut bien prendre garde qu’il y a des choses qui sont dans la bouche de tout le monde sans avoir aucun mérite ; comme ces chansons triviales qu’on chante sans les estimer, et ces vers naïfs et ridicules de comédie qu’on cite sans les approuver :
Entendez-vous, bailli, ce sublime langage ?
Si vous ne m’entendez, je vous aime autant sourd[7].
C’est particulièrement dans les fables de La Fontaine qu’il faut discerner soigneusement ces vers naïfs, qui approchent du bas, d’avec les naïvetés élégantes dont cet aimable auteur est rempli :
La fourmi n’est pas prêteuse[8].
Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats[9].