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MÉTAPHORE.

En pressant l’univers est lui-même ébranlé.
Il penche vers sa chute, et contre la tempête
Il demande mon bras pour affermir sa tête.


C’est que la métaphore porte un caractère sensible de vérité, et est parfaitement soutenue. On aime encore celle-ci dans Zaïre, parce qu’elle a les mêmes conditions, et qu’elle est touchante :


Ce bras, qui rend là force aux plus faibles courages,
Soutiendra ce roseau plié par les orages.

(Acte III, scène iv.)

Il y a une métaphore bien frappante dans Alzire, lorsque Alvarès dit à Gusman (acte I, sc. i) :

Votre hymen est le nœud qui joindra les deux mondes.

C’est un magnifique spectacle à l’esprit qu’une telle idée ; et il est très-rare que l’exacte vérité se trouve jointe à tant de grandeur. Cette métaphore est encore belle et bien amenée (Alzire, acte I, sc. i) :

L’Américain farouche est un monstre sauvage
Qui mord, en frémissant, le frein de l’esclavage.

Les conditions essentielles à la métaphore sont qu’elle soit juste et qu’elle ne soit pas mêlée avec une autre image qui lui soit étrangère. Rousseau a dit, dans une de ses satires, en parlant d’un homme qu’il veut noircir et rendre ridicule, sous le nom de Midas (Allég. v) :

En maçonnant les remparts de son âme,
Songea bien plus au fourreau qu’à la lame.

Outre la bassesse de ces idées, on y découvre aisément le peu de justesse et de rapport qu’elles ont entre elles : car si cette âme a des remparts de maçonnerie, elle ne peut pas être en même temps une épée dans un fourreau. J’avoue que ces disparates révoltent un bon esprit autant que le fiel amer de la satire cause d’indignation. Voici, dans ce même auteur, un exemple d’une faute pareille (Épître au comte du Luc) :


Vous êtes-vous, seigneur, imaginé,
Le cœur humain de près examiné,