Jour qui fais mon supplice et dont mes yeux s’étonnent,
Toi qui sembles le dieu des cieux qui t’environnent,
Devant qui tout éclat disparaît et s’enfuit ;
Qui fais pâlir le front des astres de la nuit ;
Image du Très-Haut, qui régla ta carrière.
Hélas ! j’eusse autrefois éclipsé la lumière.
Sur la voûte des cieux élevé plus que toi,
Le trône où tu t’assieds s’abaissait devant moi.
Je suis tombé, l’orgueil m’a plongé dans l’abîme.
Il est aisé de voir pourquoi les vers cités les derniers sont au-dessus des autres : c’est qu’ils sont plus remplis d’enthousiasme, de chaleur, et de vie ; qu’ils ont plus de nombre et de force ; qu’en un mot, ils sont d’un poëte ; et ils ont surtout le mérite d’être une traduction plus fidèle.
Boileau a dit, après les anciens (ép. IX, 43-44) :
Le vrai seul est aimable ;
Il doit régner partout, et même dans la fable.
Il a été le premier à observer cette loi qu’il a donnée. Presque tous ses ouvrages respirent ce vrai ; c’est-à-dire qu’ils sont une copie fidèle de la nature. Ce vrai doit se trouver dans l’historique, dans le moral, dans la fiction, dans les sentences, dans les descriptions, dans l’allégorie.
Mais Boileau s’est bien écarté de cette règle dans sa satire de l’Équivoque. Comment un homme d’un aussi grand sens que lui s’est-il avisé de faire de l’équivoque la cause de tous les maux de ce monde ? N’est-il pas pitoyable de dire qu’Adam désobéit à Dieu par une équivoque ? Voici le passage (sat. XII, 56-60) :
N’est-ce pas toi, voyant le monde à peine éclos,
Qui, par l’éclat trompeur d’une funeste pomme,
Et tes mots ambigus, fis croire au premier homme
Qu’il allait, en goûtant de ce morceau fatal,
Comblé de tout savoir, à Dieu se rendre égal ?
Voilà de bien mauvais vers ; mais le faux qui y domine les rend plus mauvais encore.
Tu fus, comme serpent, dans l’arche conservée, (v. 78.)