la foudre. En un mot, il n’y a jamais eu de peuple qui n’ait solennisé, par des cérémonies, les plus absurdes imaginations.
XXVII. Quant aux mœurs des peuples barbares, tout ce qu’un témoin oculaire et sage me rapportera de plus bizarre, de plus infâme, de plus superstitieux, de plus abominable, je serai très-porté à le croire de la nature humaine. Hérodote affirme devant toute la Grèce que, dans ces pays immenses qui sont au delà du Danube, les hommes faisaient consister leur gloire à boire dans des crânes humains le sang de leurs ennemis, et à se vêtir de leur peau. Les Grecs, qui trafiquaient avec ces barbares, auraient démenti Hérodote s’il avait exagéré. Il est constant que plus des trois quarts des habitants de la terre ont vécu très-longtemps comme des bêtes féroces : ils sont nés tels. Ce sont des singes que l’éducation fait danser, et des ours qu’elle enchaîne. Ce que le czar Pierre le Grand a trouvé encore à faire de nos jours dans une partie de ses États est une preuve de ce que j’avance, et rend croyable ce qu’Hérodote a rapporté,
XXVIII. Après Hérodote, le fond des histoires est beaucoup plus vrai : les faits sont plus détaillés ; mais autant de détails, souvent autant de mensonges. Ajouterai-je foi à l’historien Josèphe, quand il me dit que le moindre bourg de la Galilée renfermait quinze mille habitants ? Non, je dirai qu’il a exagéré ; il a cru faire honneur à sa patrie, il l’a avilie. Quelle honte pour ce nombre prodigieux de Juifs d’avoir été si aisément subjugués par une petite armée romaine !
XXIX. La plupart des historiens sont comme Homère : ils chantent des combats ; mais dans ce nombre horrible de batailles, il n’y a guère que la retraite des Dix-mille de Xénophon, la bataille de Scipion contre Annibal, à Zama, décrite par Polybe, celle de Pharsale racontée par le vainqueur, où le lecteur puisse s’éclairer et s’instruire ; partout ailleurs je vois que des hommes se sont mutuellement égorgés, et rien de plus.
XXX. On peut croire toutes les horreurs où l’ambition a porté les princes, et toutes les sottises où la superstition a plongé les peuples ; mais comment les historiens ont-ils été assez peuple pour admettre comme des prodiges surnaturels les fourberies que des conquérants ont imaginées, et que les nations ont adoptées ?
Les Algériens croient fermement qu’Alger fut sauvée par un miracle lorsque Charles-Quint vint l’assiéger. Ils disent qu’un de leurs saints frappa la mer, et excita la tempête qui fit périr la moitié de la flotte de l’empereur.
XXX. Que d’historiens parmi nous ont écrit en Algériens ! Que