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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome23.djvu/500

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IDÉES

VI.

N’est-ce pas celle qui, ayant été enrichie par l’imbécillité des peuples, est nécessairement portée à conserver ses richesses, par la force si elle peut, et par la fraude si la force lui manque ?

VII.

Quelle est la religion qui peut faire du bien sans pouvoir faire du mal ? N’est-ce pas l’adoration de l’Être suprême sans aucun dogme métaphysique ? celle qui serait à la portée de tous les hommes ; celle qui, dégagée de toute superstition, éloignée de toute imposture, se contenterait de rendre à Dieu des actions de grâces solennelles sans prétendre entrer dans les secrets de Dieu ?

VIII.

Ne serait-ce pas celle qui dirait : Soyons justes, sans dire : Haïssons, poursuivons d’honnêtes gens qui ne croient pas que Dieu est du pain, que Dieu est du vin, que Dieu a deux natures et deux volontés, que Dieu est trois, que ses mystères sont sept, que ses ordres sont dix, qu’il est né d’une femme, que cette femme est pucelle, qu’il est mort, qu’il déteste le genre humain au point de brûler à jamais toutes les générations, excepté les moines et ceux qui croient aux moines ?

IX.

Ne serait-ce pas celle qui dirait : « Dieu étant juste, il récompensera l’homme de bien, et il punira le méchant » ; qui s’en tiendrait à cette croyance raisonnable et utile, et qui ne prêcherait jamais que la morale ?

X.

Quand on a le malheur de trouver dans un État une religion qui a toujours combattu contre l’État, en s’incorporant à lui ; qui est fondée sur un amas de superstitions accumulées de siècle en siècle ; qui a pour soldats des fanatiques distingués en plusieurs régiments, noirs, blancs, gris ou minimes, cent fois mieux payés que les soldats qui versent leur sang pour la patrie ; quand une telle religion a souvent insulté le trône au nom de Dieu, a dépouillé les citoyens de leurs biens au nom de Dieu, a intimidé les sages et perverti les faibles, que faut-il faire ?

XI.

Ne faut-il pas alors en user avec elle comme un médecin habile traite une maladie chronique ? Il ne prétend pas la guérir d’abord ; il risquerait de jeter son malade dans une crise mor-