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DU DOCTEUR AKAKIA.

le nom d’un président n’ont pas été plus reçues de ses correspondants que lues du public.

Qu’il ne cherche point à interdire à personne la liberté d’une juste défense ; qu’il pense qu’un homme qui a tort, et qui veut déshonorer celui qui a raison, se déshonore soi-même.

Qu’il croie que tous les gens de lettres sont égaux, et il gagnera à cette égalité.

Qu’il ne s’avise jamais de demander qu’on n’imprime rien sans son ordre.

Nous finissons par l’exhorter à être docile, à faire des études sérieuses, et non des cabales vaines : car ce qu’un savant gagne en intrigues, il le perd en génie, de même que dans la mécanique ce qu’on gagne en temps on le perd en forces. On n’a vu que trop souvent des jeunes gens qui ont commencé par donner de grandes espérances et des bons ouvrages, finir enfin par n’écrire que des sottises, parce qu’ils ont voulu être des courtisans habiles, au lieu d’être d’habiles écrivains ; parce qu’ils ont substitué la vanité à l’étude, et la dissipation qui affaiblit l’esprit au recueillement qui le fortifie ; on les a loués, et ils ont cessé d’être louables ; on les a récompensés, et ils ont cessé de mériter des récompenses ; ils ont voulu paraître, et ils ont cessé d’être : car lorsque, dans un auteur, une somme d’erreurs est égale à une somme de ridicules, le néant vaut son existence[1].

N. B. Ce remède bénin fit un effet contraire à celui que toutes les facultés espéraient, comme il arrive assez souvent. La bile du natif de Saint-Malo en fut exaltée encore plus que son âme ; il fit brûler impitoyablement l’ordonnance du médecin, et le mal empira[2] : il persista dans le dessein de faire ses expériences, et tint à cet effet la mémorable séance dont nous allons donner un récit fidèle.

SÉANCE MÉMORABLE.[3]

Le premier des calendes d’octobre 1751[4], s’assemblèrent extraordinairement les sages, sous la direction du très-sage pré-

  1. L’auteur en question avait écrit que, supposé qu’un homme ait éprouvé autant de mal que de bien, le néant vaut son être. (Note de Voltaire.)
  2. C’est à la sollicitation de Maupertuis que Frédéric avait fait brûler la Diatribe du docteur Akakia, le 24 décembre 1752.
  3. L’édition séparée de cet opuscule est en huit pages in-8o.
  4. La date de 1er  octobre 1751 me paraît avoir été mise sciemment ; l’Académie de Berlin tenait ses séances publiques en janvier et juin (et non en octobre). (B.)