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DÉFENSE DU NEWTONIANISME.

fondée que sur les faits et sur le calcul, qui rejette toute hypothèse, et qui, par conséquent, est la seule physique véritable.

L’auteur des Éléments tâcha de mettre ces vérités nouvelles à la portée des esprits les moins exercés dans ces matières ; et quoique son ouvrage ait été imprimé avec beaucoup de fautes, et que l’impatience des libraires ne lui eût pas donné le temps de l’achever, il n’a pas laissé pourtant d’être de quelque utilité. On n’a pas reproché le défaut de clarté à ce livre.

Cependant il faut bien qu’il soit plus difficile à entendre qu’on ne croyait, puisque tous ceux qui ont écrit contre les vérités dont il était l’interprète lui ont reproché des choses qui assurément ne se trouvent ni dans son livre ni dans aucun disciple de Newton.

L’un s’imagine, par exemple, que, dans un verre ardent, le milieu doit attirer plus que les bords, et que c’est par cette raison que les rayons de lumière, selon Newton, se rassemblent au foyer du verre ; et il perd bien du temps et de la peine pour réfuter ce qui n’a jamais été dit.

Un autre croit que chez Newton la lumière ne vient du soleil sur la terre que parce que la terre l’attire de 33 millions de lieues.

Il y en a qui, ayant lu par hasard ces mots : la lumière se réfléchit du sein du vide, ont cru, sans faire attention à ce qui précède et à ce qui suit, qu’on attribuait au vide une action sur la matière ; et là-dessus ils ont triomphé, et ils ont débité ou des injures, ou des plaisanteries, ou des arguments également inutiles.

Si ces messieurs, par exemple, au lieu de crier contre ce qu’ils n’avaient pas assez examiné, s’étaient voulu informer de l’état de la question, voici ce qu’on leur aurait répondu.

Newton a découvert entre la lumière et les corps une action dont on n’avait pas d’idée. Il fait voir, par exemple, que la même lumière oblique qui ne se transmet point à travers un cristal s’y transmet dès qu’on met de l’eau sous ce cristal ; il a assuré que, si on trouvait le secret de pomper l’air sous ce cristal dans la machine du vide, ce même rayon oblique, qui passait presque tout entier du verre dans l’eau appliquée à ce cristal, ne passerait point du tout dans ce vide. L’auteur des Éléments de Newton est peut-être le premier en France qui en ait fait l’expérience, et de là il a conclu, avec grande raison, qu’il y a une action inconnue du cristal et de l’eau sur la lumière, action d’une espèce nouvelle, action dont aucun philosophe n’a pu rendre