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AVIS

À L’AUTEUR DU JOURNAL DE GOTTINGUE [1]

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Quand un journaliste veut rendre compte d’un ouvrage, il doit d’abord en saisir l’esprit ; quand il le critique, il doit avoir raison. Le journaliste de Gottingue a oublié entièrement ces deux devoirs, et il se trompe sans exception sur tout ce qu’il dit.

Il se trompe quand il dit que l’auteur du Siècle de Louis XIV devait parler de Tillotson en parlant de Bourdaloue ; il ne songe pas qu’il ne s’agit que des écrivains de France.

Il se trompe quand il dit que le baron des Coutures ne méritait pas d’être cité. Sa traduction de Lucrèce est la meilleure qu’on ait en France [2].

Il se trompe quand il dit que Desmarets n’était qu’un traducteur. L’abbé Régnier-Desmarets a traduit à la vérité Anacréon en vers italiens avec succès, ce qui est un très-grand mérite ; mais il a fait des vers français qu’on sait par cœur, et il était excellent grammairien.

Il se trompe quand il dit que Bernier n’était pas médecin du Grand Mogol, et qu’il le croit précepteur du fils d’un aga. Un mahométan indien ne donne point pour précepteur à son fils un chrétien de France, qui parle mal indien ; mais on ne demande guère à un médecin de quelle religion il est. Bernier était médecin de l’empereur Sha-Géan [3], comme on peut le voir dès la

  1. Cet opuscule, relatif au Siècle de Louis XIV, fut d’abord imprimé séparément, puis dans la Bibliothèque impartiale, tome VII, deuxième partie, page 316 (cahier de mars et avril 1753). Le journaliste de Gottingue répliqua par un Mémoire sur l’Avis, etc., qu’on trouve dans la Bibliothèque impartiale, tome IX, page 457, et tome X, page 123. Le Mémoire est quatre fois plus long que l’Avis. Les deux pièces font partie du volume intitulé Guerre littéraire, 1759, in-12. (B.)
  2. Depuis que Voltaire a écrit, ont paru la traduction en prose, par La Grange, et la traduction en vers, par M. Sanson de Pongerville. (B.)
  3. Sha-Gean était père d’Aurengzeb ; voyez tome XIII, pages 156 et suiv.