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AU LIEUTENANT CRIMINEL DU PAYS DE GEX.

reuse action. Enfin, monsieur, j’implore la justice divine et humaine, et j’arrose de mes pleurs ma requête.

J’ajoute encore un mot. Toute la province sait que monsieur le substitut de monsieur le procureur général au bailliage de Gex, ayant épousé la sœur du feu curé de Moëns, qui résigna sa cure au présent curé Ancian, a toujours accordé sa bienveillance audit Ancian ; mais c’est une raison de plus pour espérer la justice qu’on demande : l’équité impartiale l’emporte sur toutes les considérations.

À Sacconney, le 3 de janvier 1761.
AMBROISE DECROZE.
VACHAT, procureur.


Addition.

Le 10 de janvier, j’apprends que le juge a décrété de prise de corps tous les complices du curé Ancian. Ils ont pris la fuite ; ils vont probablement changer de religion hors du royaume. À l’égard du curé, il n’est décrété que d’ajournement personnel. Cependant le bruit public de la province est qu’il a signé, le 28 de décembre, un billet à ses complices par lequel il promettait les mettre à l’abri de toute recherche et de tout dommage. La veuve Burdet a dit à vingt personnes, et a dû déposer que le curé était venu boire chez elle la veille de l’assassinat, à dix heures du soir ; qu’il lui avait dit en s’en allant en colère : « Adieu, la paille est trop près du feu. » Si jamais il y eut un assassinat prémédité, c’est sans doute celui-ci. Cependant les complices sont décrétés, et celui qui les a corrompus, qui les a armés, qui les a conduits, qui a frappé avec eux, n’est qu’ajourné, parce qu’il est prêtre et qu’il a des protecteurs. Cependant mon fils, assassiné le 28 de décembre, est à l’agonie le 10 de janvier.

FIN DE LA REQUÊTE.