Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/266

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cœur en faisant ce que sa religion et ses vœux réprouvent à si haute voix ?

Qu’un fidèle, entraîné par une passion violente, commette un crime passager, et qu’il s’en repente : c’est le propre de notre nature ; mais quand les maîtres en Israël nous volent en nous prêchant et en nous confessant ; quand ils persistent dans cette manœuvre des années entières, je vous demande, mes chers frères, s’il est possible qu’ils soient toujours persuadés et toujours trompeurs ; qu’ils pensent réellement tenir Dieu dans leurs mains à la messe, lorsqu’ils nous pillent au sortir de la sainte table.

Il est avéré, par les dépositions des conjurés de Lisbonne, que les jésuites leurs confesseurs les assurèrent qu’ils pouvaient en sûreté de conscience assassiner le roi. Je n’examine point quelle vengeance animait les conjurés ; je demande simplement s’il est possible que ceux qui se servaient d’un sacrement pour inspirer le parricide crussent à ce sacrement.

Je passe de ces grands crimes à des iniquités d’un autre genre. Pensez-vous que le jésuite Le Tellier crût en Jésus-Christ ? pensez-vous qu’il crût un Dieu juste, rémunérateur et vengeur, quand il abusait de l’ignorance de Louis XIV en matières théologiques pour persécuter le vertueux cardinal de Noailles, et quand, faisant le métier de faussaire, il montrait à son pénitent des lettres de plusieurs évêques, que ces évêques n’avaient point écrites[1] ? Cette conduite, soutenue plusieurs années, ne démontre-t-elle pas que le confesseur ne croyait rien de ce qu’il faisait croire à son pénitent ?

Les adversaires des jésuites, qui ont imaginé les convulsions et tant d’autres miracles, et qui ont été convaincus de tant de fourberies, ont-ils été de meilleurs croyants que le jésuite Le Tellier ?

Je vous le répète, un homme peut croire en Dieu, et tuer son père ; mais il est impossible qu’il croie en Dieu, et qu’il passe sa vie dans des crimes réfléchis, et dans une suite non interrompue de fraudes et d’impostures : il s’en repent du moins à la mort ; mais je vous défie de trouver dans l’histoire un seul théologien qui ait avoué ses crimes en mourant.

Nous voyons tous les jours, parmi des séculiers, des meurtriers et des incestueux faire des pénitences publiques : je me soumets à donner dix mille écus qui me restent de toute ma for-

  1. Voyez tome XV, page 53.