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SERMON DU RABBIN AKÎB. 28.1

ment. Cessez donc de persécuter une nation entière pour un évé- nement dont elle ne peut être responsable.

Je ne veux que vos propres livres pour vous confondre. Vous avouez que Jésus appelait publiquement nos pharisiens et nos prêtres, races de vipères^, sépulcres blanchis-. Si quelqu'un parmi vous allait continuellement par les rues de Rome appeler le pape et les cardinaux vipères et sépulcres, le soufTrirait-on ? Les pha- risiens, il est vrai, dénoncèrent Jésus au gouverneur romain, qui le fit périr du supplice usité chez les Romains. Est-ce une raison pour brûler des négociants juifs et leurs filles dans Lis- bonne?

Je sais que les barbares, pour colorer leur cruauté, nous ac- cusent d'avoir pu connaître la divinité de Jésus-Christ, et de ne l'avoir pas connue. J'en appelle aux savants de l'Europe, car il y en a quelques-uns : Jésus, dans leur Évangile, s'appelle quelque- fois fils de Dieu, fils de l'homme, mais jamais Dieu ; jamais Paul ne lui a donné ce titre.

Fils de l'homme est une expression très-ordinaire dans notre langue. Fils de Dieu signifie homme juste, comme Reliai signifie méchant. Pendant trois cents ans, Jésus fut bien reçu parles chré- tiens comme médiateur envoyé de Dieu, comme la plus parfaite des créatures. Ce ne fut qu'au concile de Nicée que la majorité des évêques constata sa divinité, malgré les oppositions des trois quarts de l'empire. Si donc les chrétiens eux-mêmes ont nié si longtemps sa divinité, s'il y a même encore des sociétés chré- tiennes qui la nient, par quel étrange renversement d'esprit peut-on nous punir de la méconnaître ? Élevons nos cœurs à l'Éternel !

.\ous ne récriminons point ici contre plusieurs sectes de chré- tiens : nous laissons les reproches qu'elles se font les unes aux autres d'avoir falsifié tant de livres et de passages, d'avoir supposé des oracles de sibylles, d'avoir forgé tant de miracles : leurs sectes se font sur toutes ces prévarications plus de reproches que nous ne pourrions leur en faire.

Je me borne à une seule question que je leur ferai. Si quel- qu'un, sortant d'un auto-da-fé, me dit qu'il est chrétien, je lui demanderai en quoi il peut l'être. Jésus n'a jamais pratiqué ni fait pratiquer la confession auriculaire ; la Pàque n'est certaine- ment point celle d'un Portugais. Trouve-t-on l'extrême-onction.

��1 Matthieu, m, 7. 2. Ibid., XXIII, 27.

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