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DE JEAN MESLIER.

d’être fermes dans leur foi. De là vient que tous les christicoles tiennent pour maximes que la foi est le commencement et le fondement du salut, et qu’elle est la racine de toute justice et de toute sanctification, comme il est marqué dans le concile de Trente, sess. 6, chap.  viii.

Or il est évident qu’une créance aveugle de tout ce qui se propose sous le nom et l’autorité de Dieu est un principe d’erreurs et de mensonges. Pour preuve, c’est que l’on voit qu’il n’y a aucun imposteur, en matière de religion, qui ne prétende se couvrir du nom de l’autorité de Dieu, et ne se dise particulièrement inspiré et envoyé de Dieu. Non-seulement cette foi et cette créance aveugle, qu’ils posent pour fondement de leur doctrine, est un principe d’erreurs, etc., mais elle est aussi une source funeste de troubles et de divisions parmi les hommes, pour le maintien de leur religion. Il n’y a point de méchanceté qu’ils n’exercent les uns contre les autres sous ce spécieux prétexte.

Or il n’est pas croyable qu’un Dieu tout-puissant, infiniment bon et sage, voulût se servir d’un tel moyen ni d’une voie si trompeuse pour faire connaître ses volontés aux hommes : car ce serait manifestement vouloir les induire en erreur et leur tendre des piéges pour leur faire embrasser le parti du mensonge. Il n’est pareillement pas croyable qu’un Dieu qui aimerait l’union et la paix, le bien et le salut des hommes, eût jamais établi, pour fondement de sa religion, une source si fatale de troubles et de divisions éternelles parmi les hommes. Donc des religions pareilles ne peuvent être véritables, ni avoir été instituées de Dieu.

Mais je vois bien que nos christicoles ne manqueront pas de recourir à leurs prétendus motifs de crédibilité, et qu’ils diront que, quoique leur foi et leur créance soient aveugles en un sens, elles ne laissent pas néanmoins d’être appuyées par de si clairs et de si convaincants témoignages de vérité que ce serait non-seulement une imprudence, mais une témérité et une grande folie de ne pas vouloir s’y rendre. Ils réduisent ordinairement tous ces prétendus motifs à trois ou quatre chefs :

Le premier, ils le tiennent de la prétendue sainteté de leur religion, qui condamne le vice, et qui recommande la pratique de la vertu. Sa doctrine est si pure, si simple, à ce qu’ils disent, qu’il est visible qu’elle ne peut venir que de la pureté et de la sainteté d’un Dieu infiniment bon et sage ;

Le second motif de crédibilité, ils le tirent de l’innocence et de la sainteté de la vie de ceux qui l’ont embrassée avec amour, et défendue jusqu’à souffrir la mort, et les plus cruels tourments,