Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

DE JEAN MESLIER. 327

Si Mahomet eût fait de semblables promesses à ses sectateurs que le Christ en a fait aux siens sans aucun succès, que ne dirait- on pas? On crierait : Ah, le fourbe! ah, l'imposteur! ah, les fous do croire un tel imposteur! Les voilà ces christicoles eux-mêmes dans le cas : il y a longtemps qu'ils y sont sans revenir de leur aveuglement; au contraire, ils sont si ingénieux à se tromper qu'ils prétendent que ces promesses ont eu leur accomplissement dès le commencement du christianisme ; étant pour lors, disent- ils, nécessaire qu'il y eût des miracles afin de convaincre les in- crédules delà vérité de la religion ; mais que, cette reJigion étant suffisamment établie, les miracles n'ont plus été nécessaires : où est donc la certitude de cette proposition?

D'ailleurs celui qui a fait ces promesses ne les a pas restreintes seulement pour un certain temps, ni pour certains lieux, ni pour certaines personnes en particulier, mais il les a faites générale- ment à tout le monde. « La foi de ceux qui croiront, dit-il S sera suivie de ces miracles-ci : ils chasseront les démons en mon nom; ils parleront diverses langues; ils toucheront les serpents, etc. »

A l'égard du transport des montagnes, il dit positivement que quiconque dira à une montagne': Ote-toi de là, et te jette dans la mer, pourvu qu'il nliésite pas en son cœur, mais qu'il croie, tout ce qu'il commandera sera fait. Ne sont-ce pas des promesses qui sont tout à fait générales, sans restriction de temps, de lieu, ni de personnes?

Il est dit que toutes les sectes d'erreurs et d'impostures pren- dront honteusement fin. Mais si Jésus-Christ entend seulement dire qu'il a fondé et établi une société de sectateurs qui ne tom- beraient point dans le vice ni dans l'erreur, ces paroles sont abso- lument fausses, puisqu'il n'y a dans le christianisme aucune secte, ni société et Église, qui ne soit pleine d'erreurs et de vices, prin- cipalement la secte ou société de l'Église romaine, quoiqu'elle se dise la plus pure et la plus sainte de toutes. Il y a longtemps qu'elle est tombée dans l'erreur ; elle y est née ; pour mieux dire, elle y a été engendrée et formée ; et maintenant elle est même dans des erreurs qui sont contre l'intention, les sentiments et la doctrine de son fondateur, puisqu'elle a, contre son dessein, aboli les lois des Juifs qu'il approuvait, et qu'il était venu lui- même, disait-il, pour les accomplir et non pour les détruire, et qu'elle est tombée dans les erreurs et l'idolâtrie du paganisme,.

1. Marc, XVI, 17-18. •2. Matth., XXI, 21.

�� �