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MÉMOIRE

DE DONAT CALAS

POUR

SON PÈRE, SA MÈRE, ET SON FRÈRE'.

��Je commence par avouer que toute notre famille est née dans le sein d'une religion qui n'est pas la dominante. On sait assez combien il en coûte à la probité de changer. Mon père et ma mère ont persévéré dans la religion de leurs pères. On nous a trompés peut-être, mes parents et moi, quand on nous a dit que cette religion est celle que professaient autrefois la France, la Germanie et l'Angleterre, lorsque le concile de Francfort, assem- blé par Charlemagne, condamnait le culte des images ; lorsque Ratram^, sous Charles le Chauve, écrivait en cent endroits de son livre, en faisant parler Jésus-Christ même : « Ne croyez pas que ce soit corporellement que vous mangiez ma chair et buviez mon sang » ; lorsqu'on chantait dans la plupart des églises cette ho- mélie conservée dans plusieurs bibliothèques : « Nous recevons le corps et le sang de Jésus-Christ, non corporellement, mais spirituellement. »

Quand on se fut fait, m'a-t-on dit, des notions plus relevées de ce mystère ; quand on crut devoir changer l'économie de l'Église, plusieurs évêques ne changèrent point: surtout Claude, évêque de Turin, retint les dogmes et le culte que le concile de Francfort avait adoptés, et qu"il crut être ceux de l'Église primi- tive; il eut toujours un troupeau attaché à ce culte. Le grand nombre prévalut, et prodigua à nos pères les noms de manichéens,

1. Ce Mémoire et la Déclaration qui le suit, rédigés aussi par Voltaire, paru- rent en 176-2, in-8" de trente pages; peut-être en même temps cpie les Pièces ori- ginales qui sont page 365.

2. Ou Ratramme, auteur d'un traité Du Corps et du Sang de J.-C

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