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SERMON DES CINQUANTE.

adorons un Être suprême comme toutes les nations l’adorent, nous pratiquons la justice que toutes les nations enseignent, et nous rejetons tous ces mensonges que les peuples se reprochent les uns aux autres. Ainsi, d’accord avec eux dans le principe qui les concilie, nous différons d’eux dans les choses où ils se combattent.

Il est impossible que le point dans lequel tous les hommes de tous les temps se réunissent ne soit l’unique centre de la vérité, et que les points dans lesquels ils diffèrent tous ne soient les étendards du mensonge. La religion doit être conforme à la morale, et universelle comme elle : ainsi toute religion dont les dogmes offensent la morale est certainement fausse. C’est sous ce double aspect de perversité et de fausseté que nous examinerons dans ce discours les livres des Hébreux et de ceux qui leur ont succédé[1]. Voyons d’abord si ces livres sont conformes à la morale, ensuite nous verrons s’ils peuvent avoir quelque ombre de vraisemblance. Les deux premiers points seront pour l’Ancien Testament, et le troisième pour le Nouveau.

PREMIER POINT.

Vous savez, mes frères, quelle horreur nous a saisis lorsque nous avons lu ensemble les écrits des Hébreux, en portant seulement notre attention sur tous les traits contre la pureté, la charité, la bonne foi, la justice, et la raison universelle, que non-seulement on trouve dans chaque chapitre, mais que, pour comble de malheur, on y trouve consacrés.

Premièrement, sans parler de l’injustice extravagante dont on ose charger l’Être suprême, d’avoir donné la parole à un serpent pour séduire une femme[2] et perdre l’innocente postérité de cette femme, suivons pied à pied toutes les horreurs historiques qui révoltent la nature et le bon sens. Un des premiers patriarches, Loth, neveu d’Abraham, reçoit chez lui deux anges[3] déguisés en pèlerins ; les habitants de Sodome conçoivent des désirs impudiques pour les deux anges ; Loth, qui avait deux jeunes filles promises en mariage, offre de les prostituer au peuple à la place de ces deux étrangers. Il fallait que ces filles fussent étrangement accoutumées à être prostituées, puisque la première chose qu’elles

  1. Les chrétiens.
  2. Genèse, iii, 3.
  3. Ibid., xix, 1 et suiv.