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COMPLIMENT

qui devait être prononcé le 11 avril 1763

À L’OUVERTURE DU THÉATRE-FRANÇAIS[1]



Messieurs,

Jusqu’à ce jour l’usage n’a pas été que les actrices eussent l’honneur de vous adresser la parole. J’ai réclamé cet avantage.

Les juges les plus sévères n’ont point coutume d’interdire à mon sexe le privilége de les solliciter. La balance de Thémis n’altère pas en eux le caractère français ; ils nous reçoivent avec plus d’égards, nous écoutent avec plus d’attention, et (sans en être moins intègres) ils sont souvent plus favorables. Je me flatte, messieurs, que vous daignerez les imiter. Nous ne pouvons vous annoncer avec trop de ménagements les choses affligeantes, et c’est au sexe le plus sensible que semble appartenir le droit de vous y préparer. Vous pressentez sans doute, messieurs, que je vais parler de Mlle Gaussin et de Mlle Dangeville. L’éloge de ces deux femmes vous paraîtra peut-être, messieurs, moins suspect, plus touchant, et plus rare, dans la bouche d’une autre femme.

On a l’obligation à Mlle Gaussin d’un genre nouveau de comédie : sa figure charmante, les grâces ingénues de son jeu, le son intéressant de sa voix, ont fait imaginer de mettre en action des tableaux anacréontiques[2]. Ses yeux parlaient à l’âme, et l’amour semblait l’avoir fait naître pour prouver que la volupté n’a pas de parure plus piquante que la naïveté.

  1. Le Petit Magasin des dames, 3e année (1805), page 57, en attribuant ce Discours à Voltaire, dit qu’il fut trouvé dans les papiers de M. d’Argental, et qu’il devait être prononcé par Mlle Doligny, alors nouvellement admise au nombre des Comédiens. Le Discours fut débité par Dauberval, et imprimé, tel qu’il avait été prononcé, dans le Mercure, 1763, avril, tome II, page 169. Les changements faits par les Comédiens n’étant pas l’ouvrage de Voltaire, je suis dispensé de les donner en variantes. (B.) — Mlle Doligny devait débuter le 11 avril 1763. Elle ne fut admise que le 3 mai.
  2. L’Oracle et les Grâces, comédies de Saint-Foix.