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ÉCLAIUCISSEMENTS llISKMUnUES. 499

La pauvre Jeanne d'Arc, ayant été prise par les Anglais, en dépit de ses prédictions et de ses miracles, soutint d'abord dans son interrogatoire que sainte Catherine et sainte Marguerite Pa- vaient honorée de beaucoup de révélations. Je m'étonne qu'elle n'ait rien dit de ses conversations avec le prince de la milice céleste. Apparemment que ces deux saintes aimaient plus à parler que saint Michel. Ses juges la crurent sorcière, et elle se crut inspirée. Ce serait là le cas de dire :

Ma foi, juge et plaideurs, il faudrait tout lier',

si l'on pouvait se permettre la plaisanterie sur de telles horreurs.

Une grande preuve que les capitaines de Charles VII em- ployaient le merveilleux pour encourager les soldats dans l'état déplorable où la France était réduite, c'est que Saintrailles avait son berger, comme le comte de Dunois avait sa bergère. Ce berger faisait des prédictions d'un côté, tandis que la bergère les faisait de l'autre.

Mais malheureusement la prophétesse du comte de Dunois fut prise au siège de Compiègne par un bâtard de Vendôme, et le prophète de Saintrailles fut pris par Talbot. Le brave Talbot n'eut garde de faire brûler le berger. Ce Talbot était un de ces vrais Anglais qui dédaignent les superstitions, et qui n'ont pas le fanatisme de punir les fanatiques.

Voilà, ce me semble, ce que les historiens auraient dû obser- ver, et ce qu'ils ont négligé.

LaPucellefutamenéeà Jean de Luxembourg, comte de Ligny. On l'enferma dans la forteresse de Beaulieu, ensuite dans celle de Beaurevoir, et de là dans celle du Crotoi en Picardie.

D'abord Pierre Cauchon, évêque de Beauvais, qui était du parti du roi d'Angleterre contre son roi légitime, revendique la Pucelle comme une sorcière arrêtée sur les limites de sa métro- pole. Il veut la juger en qualité de sorcière. Il appuyait son pré- tendu droit d'un insigne mensonge. Jeanne avait été prise sur le territoire de l'évéché de -\oyon ; et ni l'évêque de Beauvais, ni l'évêque de Noyon, n'avaient assurément le droit de condamner personne, et encore moins de livrer à la mort une sujette du duc de Lorraine, et une guerrière à la solde du roi de France.

Il y avait alors (qui le croirait?) un vicaire général de l'Inqui- sition en France, nommé frère Martin. C'était bien là un des

1. Racine, Plaideurs, acte I, scène viii.

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