Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome24.djvu/536

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de cette côte ; qu’il ait condamné Adam à la mort, et toute sa postérité à l’enfer pour une pomme ; qu’il ait mis un signe de sauvegarde à Caïn, qui avait assassiné son frère, et que ce Caïn ait craint d’être tué par les hommes qui peuplaient alors la terre, tandis que, selon le texte, le genre humain était borné à la famille d’Adam ; que de prétendues cataractes dans le ciel aient inondé la terre ; que tous les animaux soient venus s’enfermer un an dans un coffre[1].

Après ce nombre prodigieux de fables qui semblent toutes plus absurdes que les Métamorphoses d’Ovide, on n’est pas moins surpris[2] que Dieu délivre de la servitude en Égypte six cent mille combattants de son peuple, sans compter les vieillards, les enfants et les femmes ; que ces six cent mille combattants, après les plus éclatants miracles, égalés pourtant par les magiciens d’Égypte, s’enfuient au lieu de combattre leurs ennemis ; qu’en fuyant ils ne prennent pas le chemin du pays où Dieu les conduit ; qu’ils se trouvent entre Memphis et la mer Rouge ; que Dieu leur ouvre cette mer, et la leur fasse passer à pied sec pour les faire périr dans des déserts affreux, au lieu de les mener dans la terre qu’il leur a promise ; que ce peuple, sous la main et sous les yeux de Dieu même, demande au frère de Moïse un veau d’or pour l’adorer ; que ce veau d’or soit jeté en fonte en un seul jour ; que Moïse réduise cet or en poudre impalpable, et la fasse avaler au peuple ; que vingt-trois mille hommes de ce peuple se laissent égorger par des lévites, en punition d’avoir érigé ce veau d’or, et qu’Aaron, qui l’a jeté en fonte, soit déclaré grand prêtre[3] pour récompense ; qu’on ait brûlé deux cent cinquante hommes d’une part, et quatorze mille sept cents hommes de l’autre, qui avaient disputé l’encensoir à Aaron ; et que, dans une autre occasion. Moïse ait encore fait tuer vingt-quatre mille hommes de son peuple[4].

5o Si l’on s’en tient aux plus simples connaissances de la physique, et qu’on ne s’élève pas jusqu’au pouvoir divin, il sera difficile de penser qu’il y ait eu une eau qui ait fait crever les femmes adultères, et qui ait respecté les femmes fidèles.

On voit encore avec plus d’étonnement un vrai prophète parmi les idolâtres, dans la personne de Balaam.

  1. Genèse, vii, 8 et 9.
  2. Les mots de cet alinéa qui précèdent ont été ajoutés dans le Recueil nécessaire. (B.)
  3. Exode, xxxii, 35 ; et Lévitique, viii, 9.
  4. Voyez, plus loin, le chapitre xxi de Dieu et les Hommes ; et la Bible enfin expliquée (antépénultième note des Nombres).