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574 REMARQUES DE L'ESSAI

en changeant de chevaux de poste. Le paysan de Brie se moque de son seigneur; il est serf dans une partie de la Bourgogne, et les moines y ont des serfs. Il y a plusieurs pays où les lois sont plus uniformes, mais il n'y en a peut-être pas un seul qui n'ait iDesoin d'une réforme ; et cette réforme faite, il en faut une autre. Ce n'est guère que dans un petit État qu'on peut établir aisément des lois uniformes ^ Les machines réussissent en petit, mais en grand les chocs les dérangent.

Enfin, quand on est parvenu à vivre sous une loi tolérable, la guerre vient qui confond toutes les bornes, qui abîme tout; et il faut recommencer comme des fourmis dont on a écrasé l'habi- tation.

Une des plus grandes turpitudes dans la législation d'un pays a été de se conduire par des lois qui ne sont pas du pays. Le lec- teur peut remarquer comment le divorce, qui fut accordé à Louis XIP, roi de France, par l'incestueux pape Alexandre VI, fut refusé par Clément VII au roi d'Angleterre Henri VHP; et l'on verra comment Alexandre VIP permit au régent de Portugal Alfonse de ravir la femme de son frère, et de l'épouser du vivant de ce frère.

> Tout se contredit donc, et nous voguons dans un vaisseau sans cesse agité par des vents contraires.

On a dit, dans VEssal sur les Mœurs^, qu'il n'y a point en rigueur de loi positive fondamentale ; les hommes ne peuvent faire que des lois de convention. Il n'y a que l'auteur de la nature qui ait pu faire les lois éternelles de la nature, La seule loi fondamentale et immuable qui soit chez les hommes est celle-ci : « Traite les autres comme tu voudrais être traitée » C'est que cette loi est de la nature même : elle ne peut être arrachée du cœur humain ;

��1. Cette révolution serait facile, et ne causerait aucun trouble dans une monar- chie absolue oii le prince aurait une volonté soutenue de faire le bien de son peuple, et voudrait employer à ce grand ouvrage les hommes vraiment éclairés, dont le nombre est plus grand qu'on ne pense. C'est un très-grand avantage que les monarchies absolues ont sur les républiques, où la plupart de ces réformes utiles ne peuvent se faire tant que les lumières ne sont point devenues presque populaires. (K.)

2. Voyez tome XII, pages 183-184.

3. Voyez ibid., page 312 et suiv.

4. Le mariage de Marie de Savoie, duchesse de Nemours, et épouse d'Al- phonse VI, avec don Pèdre son beau-frère, est du 2 avril 1CG8. Alexandre VII était mort en 1GG7 : ce ne l'ut donc pas ce pape qui accorda les dispenses, mais Clément IX.

5. Tome XII, page 10. 0. Luc, VI, 31.

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