Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/117

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tantôt pour une seule lettre de l’alphabet ; si vous aviez attaché des peines éternelles à l’omission de quelques paroles, de quelques cérémonies que d’autres peuples ne pouvaient connaître, je vous dirais, en répandant des larmes sur le genre humain : « Transportez-vous avec moi au jour où tous les hommes seront jugés, et où Dieu rendra à chacun selon ses œuvres. »

« Je vois tous les morts des siècles passés et du nôtre comparaître en sa présence. Êtes-vous bien sûrs que notre Créateur et notre Père dira au sage et vertueux Confucius, au législateur Solon, à Pythagore, à Zaleucus, à Socrate, à Platon, aux divins Antonins, au bon Trajan, à Titus, les délices du genre humain, à Épictète, à tant d’autres hommes, les modèles des hommes : Allez, monstres, allez subir des châtiments infinis en intensité et en durée ; que votre supplice soit éternel comme moi ! Et vous, mes biens-aimés, Jean Châtel, Ravaillac, Damiens, Cartouche, etc., qui êtes morts avec les formules prescrites, partagez à jamais à ma droite mon empire et ma félicité. »

Vous reculez d’horreur à ces paroles ; et, après qu’elles me sont échappées, je n’ai plus rien à vous dire.


CHAPITRE XXIII.


PRIÈRE À DIEU.


Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les mondes, et de tous les temps : s’il est permis à de faibles créatures perdues dans l’immensité, et imperceptibles au reste de l’univers, d’oser te demander quelque chose, à toi qui as tout donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels, daigne regarder en pitié les erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; que ceux qui allument des