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POST-SCRIPTUM.

quets à Iris, qui avait obtenu la place des économats et de convertisseur ; Pellisson, dis-je, apportait tous les trois mois une grande liste d’abjurations à sept ou huit écus la pièce, et faisait accroire à son roi que, quand il voudrait, il convertirait tous les Turcs au même prix. On se relayait pour le tromper ; pouvait-il résister à la séduction ?

Cependant le même M. d’Avaux mande au roi qu’un nommé Vincent maintient plus de cinq cents ouvriers auprès d’Angoulême, et que sa sortie causera du préjudice : tome V, page 194.

Le même M. d’Avaux parle de deux régiments que le prince d’Orange fait déjà lever par les officiers français réfugiés ; il parle de matelots qui désertèrent de trois vaisseaux pour servir sur ceux du prince d’Orange. Outre ces deux régiments, le prince d’Orange forme encore une compagnie de cadets réfugiés, commandés par deux capitaines, page 240. Cet ambassadeur écrit encore, le 9 mai 1686, à M. de Seignelai, « qu’il ne peut lui dissimuler la peine qu’il a de voir les manufactures de France s’établir en Hollande, d’où elles ne sortiront jamais ».

Joignez à tous ces témoignages ceux de tous les intendants du royaume en 1699, et jugez si la révocation de l’édit de Nantes n’a pas produit plus de mal que de bien, malgré l’opinion du respectable auteur de l’Accord de la religion et de l’inhumanité. Un maréchal de France connu par son esprit supérieur disait, il y a quelques années : « Je ne sais pas si la dragonnade a été nécessaire ; mais il est nécessaire de n’en plus faire. »

J’avoue que j’ai cru aller un peu trop loin, quand j’ai rendu publique la lettre du correspondant du P. Le Tellier, dans laquelle ce congréganiste propose des tonneaux de poudre[1]. Je me disais à moi-même : On ne m’en croira pas, on regardera cette lettre comme une pièce supposée. Mes scrupules heureusement ont été levés quand j’ai lu dans l’Accord de la religion et de l’inhumanité, page 149, ces douces paroles :

« L’extinction totale des protestants en France n’affaiblirait pas plus la France qu’une saignée n’affaiblit un malade bien constitué. »

Ce chrétien compatissant, qui a dit tout à l’heure que les protestants composent le vingtième de la nation, veut donc qu’on répande le sang de cette vingtième partie, et ne regarde cette opération que comme une saignée d’une palette ! Dieu nous préserve avec lui des trois vingtièmes !

  1. Voyez ci-dessus, chapitre xvii, page 93.