Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/208

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est mort de la main de Rodrigue. Le valet gracieux, Nmw, prétend qu’il a servi de second dans le combat, et que c’est lui qui a tué le comte. « Car, dit-il, il en coûte peu de paraître vaillant. »

Por que parecer valicnte es à poquissima costa.

On lui demande pourquoi il a tué le comte; il répond : « J’ai vu qu’il avait faim, et je l’ai envoyé souper dans le ciel. »

Vi que el conde ténia hambre, Le envie à cenar con Cristo.

Cette scène se passe presque tout entière en quolibets et en jeux de mots, dans le moment le plus intéressant de la pièce.

Qui croirait qu’à de si basses bouffonneries pût immédiate- ment succéder cette admirable scène que Guillem de Castro imita, et que Corneille traduisit, dans laquelle Chimène vient demander vengeance de la mort de son père, et don Diègue, la grâce de son fils?

CHIMÈNE.

Justicia, buen rey, justicia, Pide Ximena postrada, A vuestros pies, sola, y trista Ofendida, y desdichada.

DIÈGUE.

Yo, rey, os pido el perdon De mi hijo, à vuestras plantas,

Venturoso, alegre, y libre

Del deshonor en que estaba.

CHIMÈNE.

Matô a mi padre Rodrigo.

DIÈGUE .

Vengô del suyo la infamia.

On voit dans ces deux derniers vers le modèle de celui de Corneille, qui est bien supérieur à l’original parce qu’il est plus rapide et plus serré :

Il a tué mon père. — Il a vengé le sien*. D’ailleurs la scène entière, les sentiments, la description dou-

1. Le Cid, acte II, scène vii.