Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome25.djvu/333

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Les Mémoires de Rohan, le Journal de Bassompierre, les Mémoires de Vittorio Siri, les Manifestes de la reine mère, les Mémoires de Dageant, nous apprennent que le cardinal ne traita même avec aucun ambassadeur dans les six premiers mois qu’il jouit de sa place ; il n’était chargé d’aucun département ; il était très-éloigné d’avoir le premier crédit, et ce ne fut qu’à l’occasion du mariage de la sœur de Louis XIII avec le roi d’Angleterre qu’il commença à manifester ses grands talents, et à l’emporter sur tous ses concurrents.

Ainsi, quelque dessein qu’il eût de faire valoir ses services auprès du roi, il ne pouvait, sans se nuire à lui-même, dire qu’il avait eu d’abord toute autorité, et qu’il promît de s’en servir « pour rabaisser l’orgueil des grands ».

Ce fut depuis le mois d’août 1641 que le cardinal eut tout à craindre de ces grands et du roi même. Le roi était si fatigué et si mécontent de lui que le grand écuyer Cinq-Mars osa lui pro- poser d’assassiner ce même ministre qu’il ne pouvait garder, et dont il ne pouvait se défaire.

C’est un fait dont on ne peut douter, puisque Louis XIII lui- même l’avoua dans une lettre au chancelier de Châteauneuf.

Les conspirations éclatèrent bientôt après de toutes parts; on ne voit guère de moments, depuis le mois d’août 1641 jusqu’à la mort du cardinal, où il ait eu le temps de s’occuper de la Nar- ration succinete;et une grande présomption qu’il ne l’a pas revue, c’est qu’il ne l’a point signée.

Il y a une grande apparence que, s’il eût eu le loisir de l’exa- miner avec attention, il y aurait corrigé bien des choses que le zèle inconsidéré de son écrivain avait laissé échapper, et que la circonspection d’un premier ministre ne pouvait avouer. Il aurait exigé qu’on parlât du cardinal de Bérulle avec plus de modération ; il aurait adouci les injures odieuses prodiguées à toute la nation espagnole, avec laquelle il voulait faire la paix. Il n’aurait pas permis qu’on se servît de son nom pour dire de la duchesse de Savoie, sœur du roi son maître, que « les extravagances ajou- taient une nouvelle honte à sa conduite »,

Il y a tant de traits de cette espèce dans la Narration succincte, toutes les grandes maisons du royaume y sont si maltraitées, on y parle de plusieurs principaux personnages avec tant de mépris, que je ne suis point étonné que le cardinal de Richelieu n’ait jamais signé cette pièce.

Nous accordons à M. de Foncemagne que cet ouvrage est authentique, qu’il a été composé en 1641, que le cardinal de Riche-