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ET LES MODERNES.

m. le duc.

Ah ! madame, vous êtes bien plus digne d’être à la tête de notre cour.

madame de pompadour.

Madame aurait été trop dangereuse pour moi.

tullia.

Consultez vos beaux miroirs faits avec du sable, et vous verrez que vous n’aurez rien à craindre. Eh bien ! monsieur, vous disiez donc le plus poliment du monde que vous en savez beaucoup plus que nous ?

m. le duc.

Je disais, madame, que les derniers siècles sont toujours plus instruits que les premiers, à moins qu’il n’y ait eu quelque révolution générale qui ait absolument détruit tous les monuments de l’antiquité. Nous avons eu des révolutions horribles, mais passagères ; et dans ces orages on a été assez heureux pour conserver les ouvrages de votre père, et ceux de quelques autres grands hommes : ainsi le feu sacré n’a jamais été totalement éteint, et il a produit à la fin une lumière presque universelle. Nous sifflons les scolastiques barbares qui ont régné longtemps parmi nous ; mais nous respectons Cicéron et tous les anciens qui nous ont appris à penser. Si nous avons d’autres lois de physique que celles de votre temps, nous n’avons point d’autre règle d’éloquence ; et voilà peut-être de quoi terminer la querelle entre les anciens et les modernes.


Toute la compagnie fut de l’avis de monsieur le duc. On alla ensuite à l’opéra de Castor et Pollux[1]. Tullia fut très-contente des paroles et de la musique, quoi qu’on die. Elle avoua qu’un tel spectacle valait mieux qu’un combat de gladiateurs.
FIN DES ANCIENS ET DES MODERNES.
  1. Les paroles sont de Gentil Bernard ; la musique, de Rameau. Cette pièce, jouée en 1737, avait été reprise en 1753.