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DE M. ROBERT COVELLE. 493

taine, je l'intitulerais Fatras de Vernet. Quel pot-pourri avez-vous fait là? N'avons-nous pas assez de livres inutiles? Tout ce que vous dites de vous-même sur Rome est faux; le peu qu'il y a de vrai a été ressassé mille fois; on vous reprochera d'être ignorant et plagiaire. J'aime mon prochain, vous m'avez ennuyé, je ne veux pas qu'il s'ennuie : croyez-moi, pour mettre votre livre en lu- mière, jetez-le au feu; c'est le parti que je prendrais à votre place. Vous prenez bien mal votre temps pour écrire contre les catholiques, vous qui êtes encore sujet du roi de France; et on vous trouvera fort impertinent de faire une sortie contre des spectacles honnêtes que des médiateurs plénipotentiaires dai- gnent introduire dans Genève, »

M, Muller entra dans de plus grands détails. « Mon cher Ver- net, lui dit-il, votre ouvrage est un recueil de lettres que vous feignez d'écrire à un pair d'Angleterre : cette mascarade est usée, vous deviez plutôt écrire à vos pairs les vénérables; et il serait encore mieux de ne rien écrire du tout; à quoi bon vos invec- tives contre M. d'Alembert, contre AI. Hume, mon compatriote, contre tous les auteurs d'un dictionnaire immense et utile, rem- pli d'articles excellents en tout genre, contre l'auteur de la Hen- riade, et contre M. Rousseau ^ ? Votre dessein a-t-il été d'imiter ce fou qui attaquait ce qu'il y avait de plus célèbre, ut magnis inimi- citiis darcsceret-? Et à l'égard de M. Rousseau, n'est-ce pas assez qu'il soit malheureux pour que vous ne l'insultiez point ? Ne savez-vous pas que res est sacra miser '\ qu'un infortuné est un homme sacré, et que rien n'est plus lûclie que de déchirer les ])lessures d'un homme qui souffre ?

— Comment! s'écria alors M""Levasseur; comment, monsieur A'ernet, vous attaquez mon maître! C'est que vous avez ouï dire qu'il était dans une île ^ : si mon maître était dans le continent, vous n'oseriez paraître devant lui; vous êtes un poltron qui mena- cez de loin votre vainqueur, je vais l'en instruire; je vous réponds qu'il vous apprendra à vivre. »

Je pris alors la parole, je remontrai combien il était indé-

1. La troisième édition des Lettres anglaises contient, tome II, page 144, les Observations de Vernet sur un passage de VEssai sur les Mœurs (voyez tome XII, page 303); et, page 291, des Observations sur quatre pages de la seconde des Lettres écrites de la montagne par J.-J Rousseau.

2. Tacite, Hist., ir, 53.

3. Sénèque, épigr. iv, vers 9.

4. Rousseau, après avoir quitté le Val de Travers, était allé en Angleterre, où il demeura depuis le commencement de 1706 jusqu'au 22 mai de l'année sui- vante. (Cl.)

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