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MORT DU CHEVALIER DE LA BARRE.

ajoutait qu’on punit un homme, moitié pour une action dont il est convaincu, moitié pour celle dont on dit qu’il est véhémentement suspecté, ce serait une confusion d’idées bien plus barbare encore.

Observons de plus que, dans ce procès criminel, non-seulement les juges ont interprété la loi, usage qui peut être regardé comme dangereux, mais qu’ils ont donné à cette interprétation secrète un effet rétroactif, en l’appliquant à un crime commis antérieurement, ce qui est contraire à tous les principes du droit public ; que la question de l’interprétation de la loi n’a pas été jugée séparément de la question, sur le fait ; qu’enfin cette interprétation d’une loi dans le sens de la rigueur pouvait, suivant cette manière de procéder, être décidée par une pluralité de deux voix, et l’a été réellement d’un cinquième. Et l’on s’étonnerait encore qu’indépendamment de toute idée de tolérance, de philosophie, d’humanité, de droit naturel, un tel jugement ait soulevé tous les hommes éclairés d’un bout de l’Europe à l’autre !



RELATION
DE LA MORT DU CHEVALIER DE LA BARRE[1].

Il semble, monsieur, que toutes les fois qu’un génie bienfaisant cherche à rendre service au genre humain, un démon funeste s’élève aussitôt pour détruire l’ouvrage de la raison.

  1. Mme du Deffant, dans sa lettre à M. Walpole, du 23 auguste 1768, et les Mémoires secrets du 10 mars 1708, parlent de la Relation comme d’une nouveauté. Il s’agit de la nouvelle édition qui vit le jour en 1768, in-8° de 30 pages ; mais la première édition, in-8° de 24 pages, sans frontispice, avait paru en 1766 ; elle est datée du 15 juillet de cette année. Cependant la Relation avait été envoyée la veille à Damilaville ; voyez la lettre de Voltaire, du 14 juillet 1766. Voltaire reproduisit sa Relation, en 1769, à la suite de la Canonisation de saint Cucufin, et dans le tome Ier des Choses utiles et agréables ; en 1771, au mot Justice, dans la septième partie de ses Questions sur l’Encyclopédie (voyez tome XIX, page 550). Dans cette dernière impression, on n’avait mis que l’initiale B…, au lieu du nom de Belleval, qu’on lit dans toutes les précédentes (voyez, tome XX, la note de la page 622).

    C’est à L.-A. Deverité, imprimeur à Abbeville, né en 1743, mort en 1818, que l’on doit le volume intitulé Recueil intéressant sur l’affaire de la mutilation du crucifix d’Abbeville, arrivée le 9 août 1765, et sur la mort du chevalier de La Barre, pour servir de supplément aux causes célèbres ; Londres (Abbeville), 1776, in-12.

    L’histoire du chevalier de La Barre a fourni à Fabre d’Églantine le sujet de sa tragédie d’Augusta, jouée en octobre 1787. Marsollier fit, le 8 juillet 1791, représenter sur le théâtre des Italiens un drame en un acte, intitulé le Chevalier de La Barre. Le chevalier d’Étallonde, l’un des coaccusés de La Barre, et qui s’était soustrait à la condamnation prononcée contre lui, refusa des lettres de grâce qui lui furent offertes quelques années après, et obtint, en 1788, des lettres