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DES DÉLITS ET DES PEINES.

Le vingtième auguste ou août[1], l’année 1610, trois mois après la mort de Henri IV, dont les blessures saignaient dans le cœur de tous les Français, l’avocat général Servin, dont la mémoire est encore illustre, requit qu’on fît signer aux jésuites les quatre articles suivants :

1° Que le concile est au-dessus du pape ;

2° Que le pape ne peut priver le roi d’aucun de ses droits par l’excommunication ;

3° Que les ecclésiastiques sont entièrement soumis au roi comme les autres ;

4° Qu’un prêtre qui sait par la confession une conspiration contre le roi et l’État doit la révéler aux magistrats.

Le 22, le parlement rendit un arrêt par lequel il défendait aux jésuites d’enseigner la jeunesse avant d’avoir signé ces quatre articles ; mais la cour de Rome était alors si puissante, et celle de France si faible, que cet arrêt fut inutile.

Un fait qui mérite d’être observé, c’est que cette même cour de Rome, qui ne voulait pas qu’on révélât la confession quand il s’agissait de la vie des souverains, obligeait les confesseurs à dénoncer aux inquisiteurs ceux que leurs pénitentes accusaient en confession de les avoir séduites, et d’avoir abusé d’elles. Paul IV, Pie IV, Clément VIII, Grégoire XV[2], ordonnèrent ces révélations. C’était un piége bien embarrassant pour les confesseurs et pour les pénitentes. C’était faire d’un sacrement un greffe de délations et même de sacriléges : car, par les anciens canons, et surtout par le concile de Latran tenu sous Innocent III, tout prêtre qui révèle une confesssion, de quelque nature que ce puisse être, doit être interdit et condamné à une prison perpétuelle.

Mais il y a bien pis ; voilà quatre papes au xvie et xviie siècles, qui ordonnent la révélation d’un péché d’impureté, et qui ne permettent pas celle d’un parricide. Une femme avoue ou suppose dans le sacrement, devant un carme, qu’un cordelier l’a séduite : le carme doit dénoncer le cordelier. Un assassin fanatique, croyant servir Dieu en tuant son prince, vient consulter un confesseur sur ce cas de conscience : le confesseur devient sacrilége s’il sauve la vie à son souverain.

  1. C’est ainsi qu’on lit dans l’édition originale et dans toutes les autres données du vivant de Voltaire. (B.)
  2. La constitution de Grégoire XV est du 30 août 1622 ; voyez les Mémoires ecclésiastiques du jésuite d’Avrigny, si mieux n’aimez consulter le Bullaire. (Note de Voltaire.)