ces deux exemples ne sont autre chose qu’une justice que Dieu daigne faire lui-même d’une contravention à la loi ? C’était manquer de respect à la maison du Seigneur que de changer son parvis en une boutique de marchands. En vain le sanhédrin et les prêtres permettaient ce négoce pour la commodité des sacrifices : le Dieu auquel on sacrifiait pouvait sans doute, quoique caché sous la figure humaine, détruire cette profanation ; il pouvait de même punir ceux qui introduisaient dans le pays des troupeaux entiers défendus par une loi dont il daignait lui-même être l’observateur. Ces exemples n’ont pas le moindre rapport aux persécutions sur le dogme. Il faut que l’esprit d’intolérance soit appuyé sur de bien mauvaises raisons, puisqu’il cherche partout les plus vains prétextes.
Presque tout le reste des paroles et des actions de Jésus-Christ prêche la douceur, la patience, l’indulgence. C’est le père de famille qui reçoit l’enfant prodigue[1] ; c’est l’ouvrier qui vient à la dernière heure[2] et qui est payé comme les autres ; c’est le samaritain charitable[3] ; lui-même justifie ses disciples de ne pas jeûner[4] ; il pardonne à la pécheresse[5] ; il se contente de recommander la fidélité à la femme adultère[6] ; il daigne même condescendre à l’innocente joie des convives de Cana[7], qui, étant déjà échauffés de vin, en demandent encore : il veut bien faire un miracle en leur faveur, il change pour eux l’eau en vin.
Il n’éclate pas même contre Judas, qui doit le trahir ; il ordonne à Pierre de ne se jamais servir de l’épée[8] ; il réprimande[9] les enfants de Zébédée, qui, à l’exemple d’Élie, voulaient faire descendre le feu du ciel sur une ville qui n’avait pas voulu le loger.
Enfin il meurt victime de l’envie. Si l’on ose comparer le sacré avec le profane, et un Dieu avec un homme, sa mort, humainement parlant, a beaucoup de rapport avec celle de Socrate. Le philosophe grec périt par la haine des sophistes, des prêtres, et des premiers du peuple : le législateur des chrétiens succomba sous la haine des scribes, des pharisiens, et des prêtres. Socrate pouvait éviter la mort, et il ne le voulut pas : Jésus-Christ s’offrit volontairement. Le philosophe grec pardonna non-seulement à ses calomniateurs et à ses juges iniques, mais il les pria de traiter