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LETTRE
D’UN MEMBRE DU CONSEIL DE ZURICH
À M. D***, AVOCAT À BESANÇON[1].
(1767)


Nous nous intéressons beaucoup, monsieur, dans notre république, à la triste aventure du sieur Fantet[2]. Il était presque le seul dont nous tirassions les livres qui ont illustré votre patrie, et qui forment l’esprit et les mœurs de notre jeunesse. Nous devons à Fantet les œuvres du chancelier d’Aguesseau et du président de Thou. C’est lui seul qui nous a fait connaître les Essais de Morale de Nicole, les Oraisons funèbres de Bossuet, les Sermons de Massillon et ceux de Bourdaloue, ouvrages propres à toutes les religions ; nous lui devons l’Esprit des lois, qui est encore un de ces livres qui peuvent instruire toutes les nations de l’Europe.

Je sais en mon particulier que le sieur Fantet joint à l’utilité de sa profession une probité qui doit le rendre cher à tous les honnêtes gens, et qu’il a employé au soulagement de ses parents le peu qu’il a pu gagner par une louable industrie.

Je ne suis point surpris qu’une cabale jalouse ait voulu le perdre. Je vois que votre parlement ne connaît que la justice, qu’il n’a acception de personne, et que, dans toute cette affaire, il n’a consulté que la raison et la loi. Il a voulu et il a dû examiner par lui-même si, dans la multitude des livres dont Fantet fait

  1. Tel est le titre de cette pièce dans l’édition originale, in-8° de 7 pages, sans date. Les éditeurs de Kehl et leurs successeurs l’ont placée dans la Correspondance, au mois de mars 1767. (B.)
  2. Fantet, libraire de Besançon, était poursuivi devant le parlement à cause de livres philosophiques saisis chez lui.