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ANECDOTE[1]
SUR BÉLISAIRE[2]
(1767)

« Je vous connais, vous êtes un scélérat. Vous voudriez que tous les hommes aimassent un Dieu, père de tous les hommes. Vous vous êtes imaginé, sur la parole de saint Ambroise, qu’un jeune Valentinien, qui n’avait pas été baptisé, n’en avait pas moins été sauvé. Vous avez eu l’insolence de croire, avec saint Jérôme, que plusieurs païens ont vécu saintement. Il est vrai que, tout damné que vous êtes, vous n’avez pas osé aller si loin que saint Jean Chrysostome, qui, dans une de ses homélies[3], dit que les préceptes de Jésus-Christ sont si légers que plusieurs ont été au delà par la seule raison : Præcepta ejus adeo levia sunt ut multi philosophica tantum ratione excesserint.

« Vous avez même attiré à vous saint Augustin, sans songer combien de fois il s’est rétracté. On voit bien que vous êtes de son avis quand il dit[4] : « Depuis le commencement du genre humain, tous ceux qui ont cru en un seul Dieu, et qui ont entendu sa voix selon leur pouvoir, qui ont vécu avec piété et justice selon ses préceptes, en quelque endroit et en quelque temps qu’ils aient vécu, ils ont été sans doute sauvés par lui.

Mais ce qu’il y a de pis, déiste et athée que vous êtes, c’est qu’il semble que vous ayez copié mot pour mot saint Paul dans

  1. Tel est le titre de cet opuscule dans les Pièces relatives à Bélisaire (premier cahier). Les éditeurs de Kehl l’avaient intitulé Première Anecdote sur Bélisaire, parce qu’ils l’avaient placé immédiatement avant la Seconde Anecdote, qu’on verra à sa date. L’Anecdote sur Bélisaire est de la fin de mars, puisque d’Alembert en parle dans sa lettre du avril 1767. (B.)
  2. Par M. l’abbé Mauduit, qui prie qu’on ne le nomme pas. (Note de Voltaire.)
  3. IIIe Homélie sur la première épître de saint Paul aux Corinthiens. (Id.)
  4. Dans sa quarante-neuvième épitre : A Deo Gratias. (Id.)