Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/25

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Mais, pour oser dire que nous sommes meilleurs que nos ancêtres, il faudrait que, nous trouvant dans les mêmes circonstances qu’eux, nous nous abstinssions avec horreur des cruautés dont ils ont été coupables, et il n’est pas démontré que nous fussions plus humains en pareil cas. La philosophie ne pénètre pas toujours chez les grands qui ordonnent, et encore moins chez les hordes des petits, qui exécutent. Elle n’est le partage que des hommes placés dans la médiocrité, également éloignés de l’ambition qui opprime, et de la basse férocité qui est à ses gages.

Il est vrai qu’il n’est plus de nos jours de persécutions générales ; mais on voit quelquefois de cruelles atrocités. La société, la politesse, la raison, inspirent des mœurs douces ; cependant quelques hommes ont cru que la barbarie était un de leurs devoirs. On les a vus abuser de leurs misérables emplois, si souvent humiliés, jusqu’à se jouer de la vie de leurs semblables en colorant leur inhumanité du nom de justice ; ils ont été sanguinaires sans nécessité, ce qui n’est pas même le caractère des animaux carnassiers. Toute dureté qui n’est pas nécessaire est un outrage au genre humain. Les cannibales se vengent, mais ils ne font pas expirer dans d’horribles supplices un compatriote qui n’a été qu’imprudent[1].

Puissent ces réflexions satisfaire les âmes sensibles, et adoucir les autres !



fin des conspirations, etc.



  1. Allusion au supplice du chevalier de La Barre ; voyez tome XXV, page 503.