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CHAPITRE XXXVI.


n’avaient plus, les droits qu’ils croyaient avoir. Mais au viie siècle il s’éleva une religion nouvelle qui ruina bientôt les sectes chrétiennes dans l’Asie, dans l’Afrique, et dans une grande partie de l’Europe.

Le mahométisme était sans doute plus sensé que le christianisme. On n’y adorait point un Juif en abhorrant les Juifs ; on n’y appelait point une Juive mère de Dieu ; on n’y tombait point dans le blasphème extravagant de dire que trois dieux font un dieu ; enfin on n’y mangeait pas ce dieu qu’on adorait, et on n’allait pas rendre à la selle son créateur. Croire un seul Dieu tout-puissant était le seul dogme, et si on n’y avait pas ajouté que Mahomet est son prophète, c’eût été une religion aussi pure, aussi belle que celle des lettrés chinois. C’était le simple théisme, la religion naturelle, et par conséquent la seule véritable. Mais on peut dire que les musulmans étaient en quelque sorte excusables d’appeler Mahomet l’organe de Dieu, puisque en effet il avait enseigné aux Arabes qu’il n’y a qu’un Dieu.

Les musulmans, par les armes et par la parole, firent taire le christianisme jusqu’aux portes de Constantinople ; et les chrétiens, resserrés dans quelques provinces d’Occident, continuèrent à disputer et à se déchirer.


CHAPITRE XXXVI[1].

DISCOURS SOMMAIRE DES USURPATIONS PAPALES[2].

Ce fut un état bien déplorable que celui où l’inondation des barbares réduisit l’Europe. Il n’y eut que le temps de Théodoric et de Charlemagne qui fut signalé par quelques bonnes lois ; encore Charlemagne, moitié Franc, moitié Germain, exerça des barbaries dont aucun souverain n’oserait se souiller aujourd’hui. Il n’y a que de lâches écrivains de la secte romaine qui puissent louer ce prince d’avoir égorgé la moitié des Saxons pour convertir l’autre.

Les évêques de Rome, dans la décadence de la famille de Charlemagne, commencèrent à tenter de s’attribuer un pouvoir

  1. Addition de 1767 ; voyez la note de la page 195.
  2. Milord ne parle pas assez de la tyrannie des papes. Grégoire surtout, surnommé le Grand, brûla tous les auteurs latins qu’il put trouver. Il y a encore de lui une lettre à un évêque de Cagliari, dans laquelle il lui dit : « Je veux qu’on force tous les païens de la Sardaigne à se convertir. » (Note de Voltaire, 1771.)