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CHAPITRE XXXVIII.


Que dirai-je du tribunal de l’Inquisition, qui subsiste encore ? Les sacrifices de sang humain qu’on reproche aux anciennes nations ont été plus rares que ceux dont les Espagnols et les Portugais se sont souillés dans leurs actes de foi.

Est-il quelqu’un maintenant qui veuille comparer ce long amas de destruction et de carnage au martyre de sainte Potamienne, de sainte Barbe, de saint Pionius, et de saint Eustache ? Nous avons nagé dans le sang comme des tigres acharnés pendant des siècles, et nous osons flétrir les Trajan et les Antonins du nom de persécuteurs !

Il m’est arrivé quelquefois de représenter à des prêtres l’énormité de toutes ces désolations dont nos aïeux ont été les victimes : ils me répondaient froidement que c’était un bon arbre qui avait produit de mauvais fruits ; je leur disais que c’était un blasphème de prétendre qu’un arbre qui avait porté tant et de si horribles poisons a été planté des mains de Dieu même. En vérité, il n’y a point de prêtre qui ne doive baisser les yeux et rougir devant un honnête homme.


CHAPITRE XXXVIII[1].

EXCÈS DE L’ÉGLISE ROMAINE.

Ce n’est que dans l’Église romaine incorporée avec la férocité des descendants des Huns, des Goths, et des Vandales, qu’on voit cette série continue de scandales et de barbaries inconnues chez tous les prêtres des autres religions du monde.

Les prêtres ont partout abusé, parce qu’ils sont hommes. Il fut même, et il est encore chez les brames des fripons et des scélérats, quoique cette ancienne secte soit sans contredit la plus honnête de toutes. L’Église romaine l’a emporté en crimes sur toutes les sectes du monde, parce qu’elle a eu des richesses et du pouvoir.

Elle l’a emporté en débauches obscènes, parce que, pour mieux gouverner les hommes, elle s’est interdit le mariage, qui est le plus grand frein à l’impudicité vulgivague et à la pédérastie.

Je m’en tiens à ce que j’ai vu de mes yeux, et à ce qui s’est passé peu d’années avant ma naissance. Y eut-il jamais un brigand qui respectât moins la foi publique, le sang des hommes,

  1. Chapitre ajouté en 1771 ; voyez la note de la page 195.