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DE L’INCESTE.

bien mêler ces turpitudes à la sage bienséance dont mon oncle s’est tant piqué ? Oses-tu outrager ainsi les dames, et manquer de respect à ce point à l’auguste impératrice de Russie, à qui j’ai dédié le livre instructif et sage de feu M. l’abbé Bazin ?



CHAPITRE VI.
de l’inceste.

Il ne suffit pas au cruel ennemi de mon oncle d’avoir nié la Providence, d’avoir pris le parti des ridicules fables d’Hérodote contre la droite raison, d’avoir falsifié Baruch et l’Alcoran, d’avoir fait l’apologie des b..... et de la sodomie ; il veut encore canoniser l’inceste. M. l’abbé Bazin a toujours été convaincu que l’inceste au premier degré, c’est-à-dire entre le père et la fille, entre la mère et le fils, n’a jamais été permis chez les nations policées. L’autorité paternelle, le respect filial, en souffriraient trop. La nature, fortifiée par une éducation honnête, se révolterait avec horreur.

On pouvait épouser sa sœur chez les Juifs, j’en conviens. Lorsque Ammon, fils de David, viola sa sœur Thamar, fille de David, Thamar lui dit[1] en propres mots : « Ne me faites pas de sottises, car je ne pourrais supporter cet opprobre, et vous passerez pour un fou ; mais demandez-moi au roi mon père en mariage, et il ne vous refusera pas. »

Cette coutume est un peu contradictoire avec le Lévitique ; mais les contradictoires se concilient souvent. Les Athéniens épousaient leurs sœurs de père ; les Lacédémoniens, leurs sœurs utérines ; les Égyptiens, leurs sœurs de père et de mère. Cela n’était pas permis aux Romains : ils ne pouvaient même se marier avec leurs nièces. L’empereur Claude fut le seul qui obtint cette grâce du sénat. Chez nous autres remués de barbares, on peut épouser sa nièce avec la permission du pape, moyennant la taxe ordinaire, qui va, je crois, à quarante mille petits écus, en comptant les menus frais. J’ai toujours entendu dire qu’il n’en avait coûté que quatre-vingt mille francs à M. de Montmartel. J’en connais qui ont couché avec leurs nièces à bien meilleur marché[2].

  1. II. Rois, xiii, 12, 13.
  2. On a fait l’application de cette phrase à Voltaire et à Mme Denis ; je ne sais sur quel motif. (B.)