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DES ÉGLISES DE POLOGNE. 455

nier mari de Marozie. Ils tenaient cette dignité de l'empereur Constantin Porpliyrogénète,^preuve évidente que les Romains, au milieu de leur anarchie, reconnaissaient toujours les empereurs grecs pour les vrais successeurs des césars ; mais, dans leurs troubles, ils avaient recours tantôt aux Allemands, tantôt aux Hongrois, et se donnaient tour à tour plusieurs maîtres pour n'en avoir aucun.

On sait comment le roi d'Allemagne Othon, appelé à Rome par ce Jean XII, et ensuite trahi par lui, le fit déposer pour ses crimes. Le procès-verbal existe; il fait frémir.

Tous les papes ses successeurs eurent à combattre les préten- tions des empereurs allemands sur Rome, les anciens droits des empereurs grecs, et jusqu'aux Sarrasins mêmes. Ils ne furent puissants que par l'intrigue et par l'opinion du vulgaire, opinion qu'ils surent établir, et dont ils surent toujours profiter.

Grégoire VII, qui, à la faveur de cette opinion, et surtout des Fausses Décrétaks, marcha sur les têtes des empereurs et des rois, ne put jamais être le maître dans Rome. Les papes ne purent enfin avoir la souveraineté de cette ville que lorsqu'ils se furent emparés du môle d'Adrien, appelé depuis Saint-Ange, qui avait toujours appartenu au peuple ou à ceux qui le représentaient.

La vraie puissance des papes et celle des évêques d'occident ne s'établit en Allemagne que dans l'interrègne et l'anarchie, vers le temps de l'élection de Rodolphe de Habsbourg à l'empire : ce fut alors que les évêques allemands furent véritablement souve- rains.

Jamais rien de semblable ne s'est vu dans l'Église grecque. Elle fut toujours soumise aux empereurs jusqu'au dernier Con- stantin; et, dans le vaste empire de Russie, elle est entièrement dépendante du pouvoir suprême. On n'y connaît pas plus qu'en Angleterre la distinction des deux puissances^; l'autel est subor- donné au trône, et ces mots mêmes les deux puissances y sont un crime de lèse-majesté. Cette heureuse subordination est la seule digue qu'on ait pu opposer aux querelles théologiques, et aux torrents de sang que ces querelles ont fait répandre dans les Églises d'occident, depuis l'assassinat de Priscillien jusqu'à nos jours.

Personne n'ignore comme, au xvr siècle, la moitié de l'Europe, lassée des crimes d'Alexandre \;I, de l'ambition de Jules II, des extorsions de Léon X, de la vente des indulgences, de la taxe des

1. Voyez tome XX page 300.

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