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462 ESSAI SUR LES DISSENSIONS

Bientôt on démolit des églises, des écoles, des hôpitaux de dissidents. On leur fit payer une taxe arbitraire pour leurs bap- têmes et pour leurs communions, tandis que deux cent cinquante synagogues juives chantaient leurs psaumes hébraïques sans bourse délier.

Dès l'année 1718 un nonce, du nom de Pietroski,fut chassé de la chambre uniquement parce qu'il était dissident. Le capitaine Keler, accusé par l'avocat Vindeleuski d'avoir soutenu contre lui la religion protestante, eut la tête tranchée à Petekou comme blasphémateur. Le bourgeois Hébers fut condamné à la corde sur la même accusation. Le gentilhomme Rosbiki fut obligé de sortir des terres de la république. Le gentilhomme Unrug avait écrit quelques remarques et quelques extraits d'auteurs évangéliques contre la religion romaine; on lui vola son portefeuille, et sur cet effet volé, sur des écrits qui n'étaient pas publics, sur l'énoncé de ses opinions permises par les lois, sur le secret de la con- science tracé de sa main, il fut condamné à perdre la tête. Il fallut qu'il dépensât tout son bien pour faire casser cette exécrable sentence.

Enfin, en 112k, l'exécution sanglante de Thorn ^ renouvela les anciennes calamités qui avaient souillé le christianisme dans tant d'autres États. Quelques malheureux écoliers des jésuites et quelques bourgeois protestants ayant pris querelle, le peuple s'attroupa, on força le collège des jésuites, mais sans effusion de sang; on emporta quelques images de leurs saints, et malheu- reusement une image de la Vierge, qui fut jetée dans la boue.

Il est certain que les écoliers des jésuites, ayant été les agresseurs, étaient les plus coupables. C'était une grande faute d'avoir pris les images des jésuites, et surtout celle de la sainte Vierge. Les protestants devaient être condamnés à la rendre ou à en fournir une autre, à demander pardon, à réparer le dommage à leurs frais, et aux peines modérées qu'un gouvernement équitable peut infliger. L'image delà vierge Marie est très-respectable; mais le sang des hommes l'est aussi. La profanation d'un portrait de la Vierge dans un catholique est une très- grande faute; elle est moindre dans un protestant, qui n'admet point le culte des Images.

Les jésuites demandèrent vengeance au nom de Dieu et de sa mère; ils l'obtinrent malgré l'intervention de toutes les puis- sances voisines. La cour assessoriale, à laquelle le chancelier

1. Voyez tome XX, page 158.

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