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SUR FRANÇOIS RABELAIS. 475

primé avec privilège, et le privilège pour cette satire de la reli- gion catholique fut accordé en faveur des ordures dont on faisait en ce temps-là beaucoup plus de cas que des papegaux et des cardingaux. Jamais ce livre n'a été défendu en France, parce que tout y est entassé sous un tas d'extravagances qui n'ont jamais laissé le loisir de démêler le véritable but de l'auteur.

On a peine à croire que le boufifon qui riait si hautement de l'Ancien et du Nouveau Testament était curé. Comment mourut-il? en disant : Je vais chercher un grand peut-être?

L'illustre M, Le Duchat a chargé de notes pédantesques cet étrange ouvrage, dont il s'est fait quarante éditions. Observez que Rabelais vécut et mourut chéri, fêté, honoré, et qu'on fit mourir dans les plus affreux supplices ceux qui prêchaient la morale la plus pure.

��LETTRE II.

SUR LES PRÉDÉCESSEURS DE RABELAIS

EN ALLEMAGNE ET EN ITALTE, ET d'ADORD DU LIVRE INTITILÉ EPISTOL.E OBSCURORVM VinORCV.

Monseigneur,

Votre Altesse me demande si, avant Rabelais, on avait écrit avec autant de licence. Nous répondons que probablement son modèle a été le Recueil des Lettres des gens obscurs S qui panit en .\llemagne au commencement du xvi'= siècle. Ce Recueil est en latin ; mais il est écrit avec autant de naïveté et de hardiesse que Rabelais. Voici une ancienne traduction d'un passage de la vingt- huitième lettre :

« Il y a concordance entre les sacrés cahiers et les fables poé- tiques, comme le pourrez noter du serpent Pitlion, occis par Apollon, comme le dit le Psalmiste- : Ce dragon qu'avez formé pour vous en gausser. Saturne, vieux père des dieux, qui mange ses enfants, est en Ézéchiel, lequel dit ' : Vos pères mangeront leurs

1. Les Epistolœ obscurorum virorum, dont la première édition est de 1510, m-4, sont de Ulric de Hiitten, né en 4488, mort en 1523. 11 paraît que c'est à tort qu'on a cru que Reuchliu y avait coopéré. C'est cependant ce que dit Voltaire dans son article sur Tristram Shandy, le premier des Articles extraits du Jour- nal de politique et de littérature. (B.j

2. 103, 26.

3. V, 10.

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