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SUR LES JUIFS. ;i17

en 1632. Les Juifs le comptent parmi les martyrs qui leur font le plus d'honneur. Il fallait que sa malheureuse persuasion fût bien forte, puisqu'il aima mieux souffrir le plus affreux supplice que se rétracter.

On lit dans le Nizzachon Vêtus, c'est-à-dire le Livre de l'ancienne victoire, un trait concernant la supériorité de la loi mosaïque sur la chrétienne et sur la persane, qui est bien dans le goût oriental. Un roi ordonne à un juif, à un galiléen et à un maho- métan, de quitter chacun sa rehgion, et leur laisse la liberté de choisir une des deux autres; mais, s'ils ne changent pas, le bour- reau est là qui va leur trancher la tête. Le chrétien dit : « Puis- qu'il faut mourir ou changer, j'aime mieux être de la religion de Moïse que de celle de Mahomet, car les chrétiens sont plus anciens que les musulmans, et les juifs plus anciens que Jésus: je me fais donc juif, » Le mahométan dit : « Je ne puis me faire chien de chrétien, j'aime encore mieux me faire chien de juif, puisque ces juifs ont le droit de primauté. — Sire, dit le juif. Votre Majesté voit bien que je ne puis embrasser ni la loi du chrétien ni celle du mahométan, puisque tous deux ont donné la préférence à la mienne. » Le roi fut touché de cette raison, renvoya son bourreau, et se fit juif. Tout ce qu'on peut inférer de cette historiette, c'est que les princes ne doivent pas avoir des bourreaux pour apôtres.

Cependant les Juifs ont eu des docteurs rigides et scrupuleux, qui ont craint que leurs compatriotes ne se laissassent subjuguer par les chrétiens. Il y a eu entre autres un rabbin nommé Beccai, dont voici les paroles : « Les sages défendent de prêter de l'argent à un chrétien, de peur que le créancier ne soit corrompu par le débiteur; mais un juifpeut emprunter d'un chrétien, sans crainte d'être séduit par lui, car le débiteur évite toujours son créan- cier. »

Malgré ce beau conseil, les Juifs ont toujours prêté à une grosse usure aux chrétiens, et n'en ont pas été plus convertis.

Après le fameux Nizzachon Vêtus, nous avons la relation de la dispute du rabbin Zéchiel et du dominicain frère Paul, dit Cy- riaque. C'est une conférence tenue entre ces deux savants hommes, en 1263, en présence de don Jacques, roi d'Aragon, et de la reine sa femme. Cette conférence est très-mémorable. Les deux athlètes étaient savants dans l'hébreu et dans l'antiquité. Le Talmud, le Targum, les archives du sanhédrin, étaient sur la table. On expli- quait en espagnol les endroits contestés. Zéchiel soutenait que Jésus avait été condamné sous le roi Alexandre Jannée, et non

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