Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome26.djvu/576

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
566
FEMMES, SOYEZ SOUMISES À VOS MARIS.

— Pas un mot de tout cela, madame ; Mahomet, loin d’avoir imaginé la polygamie, l’a réprimée et restreinte. Le sage Salomon possédait sept cents épouses. Mahomet a réduit ce nombre à quatre seulement. Mesdames iront en paradis tout comme messieurs, et sans doute on y fera l’amour, mais d’une autre manière qu’on ne le fait ici : car vous sentez bien que nous ne connaissons l’amour dans ce monde que très-imparfaitement.

— Hélas ! vous avez raison, dit la maréchale : l’homme est bien peu de chose. Mais, dites-moi ; votre Mahomet a-t-il ordonné que les femmes fussent soumises à leurs maris ?

— Non, madame, cela ne se trouve point dans l’Alcoran.

— Pourquoi donc sont-elles esclaves en Turquie ?

— Elles ne sont point esclaves, elles ont leurs biens, elles peuvent tester, elles peuvent demander un divorce dans l’occasion ; elles vont à la mosquée à leurs heures, et à leurs rendez-vous à d’autres heures : on les voit dans les rues avec leurs voiles sur le nez, comme vous aviez votre masque il y a quelques années. Il est vrai qu’elles ne paraissent ni à l’Opéra ni à la comédie ; mais c’est parce qu’il n’y en a point. Doutez-vous que si jamais dans Constantinople, qui est la patrie d’Orphée, il y avait un Opéra, les dames turques ne remplissent les premières loges ?

Femmes, soyez soumises à vos maris ! disait toujours la maréchale entre ses dents. Ce Paul était bien brutal.

— Il était un peu dur, repartit l’abbé, et il aimait fort à être le maître : il traita du haut en bas saint Pierre, qui était un assez bonhomme[1]. D’ailleurs, il ne faut pas prendre au pied de la lettre tout ce qu’il dit. On lui reproche d’avoir eu beaucoup de penchant pour le jansénisme.

— Je me doutais bien que c’était un hérétique, dit la maréchale ; » et elle se remit à sa toilette.


fin de : femmes, etc.


  1. Pas si bonhomme, s’il est vrai qu’il ait composé sa première épître en 44, quinze ou seize ans avant que saint Paul écrivît aux Éphésiens et aux Colossiens : car alors ce serait saint Pierre qui, le premier, aurait dit, dans le chapitre iii, verset 1, de l’épître précitée : Que les femmes soient soumises à leurs maris : mulieres subditæ sint viris suis. (Cl.)