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568 PRÉFACE DE M. ABAUZIT.

ses vœux? est punie par des regrets qui empoisonnent la vie entière- Que n'aurait pas dit l'auteur, s'il avait voulu joindre à la description des maux que se font ces énergumènes le tableau des maux qu'ils ont causés au monde? On prendrait, j'ose le dire, plusieurs d'entre eux pour des damnés qui se vengent sur le genre humain dos tourments secrets qu'ils éprouvent. Il n'est presque aucune province de la chrétienté dans laquelle les moines n'aient contribué aux guerres civiles, ou ne les aient excitées ; il n'est point d'États où l'on n'ait vu couler le sang des magistrats ou des rois, tantôt par les mains mêmes de ces misé- rables, tantôt par celles qu'ils ont armées au nom de Dieu, On s'est vu plus d'une fois obligé de chasser quelques-unes de ces hordes qui osent se dire sacrées. Trois royaumes ^ qui viennent de vomir les jésuites de leur sein donnent un grand exemple au reste du monde; mais ces royaumes eux-mêmes ont bien peu profité de l'exemple qu'ils donnent. Ils chassent les jésuites, qui au moins enseignaient gratis la jeunesse tant bien que mal, et ils conservent un ramas d'hommes oisifs dont plusieurs sont connus par leur ignorance et leurs débauches, objets de l'indi- gnation et du mépris, et qui, s'ils ne sont pas convaincus de toutes les infamies qu'on leur attribue, sont assez coupables envers le genre humain puisqu'ils lui sont inutiles.

La moitié de l'Europe- s'est délivrée de toute cette vermine, l'autre moitié s'en plaint et n'ose la secouer encore. On allègue pour justifier cette négligence qu'il y a des fakirs dans les Indes. C'est pour cela même que nous ne devrions point en avoir, puisque nous sommes plus éclairés aujourd'hui et mieux policés que les Indiens. Quoi! nous faudra-t-il consacrer des oignons et des chats, et adorer ce que nous mangeons, parce que des Égyp- tiens ont été assez maniaques pour en user ainsi ?

Quoi qu'il en soit, nous invitons le très-petit nombre d'hon- nêtes gens qui ont du goût à lire la réponse du moine à l'abbé, de Rancé. Puissent de pareils écrits nous consoler quelquefois des vers insipides et barbares dont on farcit des journaux de toute espèce, et puisse le vulgaire même sentir le mérite et l'uti- lité de l'ouvrage que nous lui présentons !

1. Le Portugal, en septembre IToQ; la France, en 17G4 (voyez tome XVI, page 100); l'Espagne, le 2 avril 1707. Les jésuites ne furent chassés de Naples qu'en novembre 1768. (B.)

2. Les pays protestants.

FIN DE LA PRÉFACE.

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