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TOUT EN DIEU,


Malebranche est le commentateur d’Aratus, de saint Paul, et de Caton. Il a réussi en montrant les erreurs des sens et de l’imagination ; mais quand il a voulu développer cette grande vérité, que Tout est en Dieu, tous les lecteurs ont dit que le commentaire est plus obscur que le texte.

Avouons avec Malebranche que nous ne pouvons nous donner nos idées.

Avouons que les objets ne peuvent par eux-mêmes nous en donner : car comment se peut-il qu’un morceau de matière ait en soi la vertu de produire dans moi une pensée ?

Donc l’Être éternel, producteur de tout, produit les idées, de quelque manière que ce puisse être.

Mais qu’est-ce qu’une idée ? Qu’est-ce qu’une sensation, une volonté, etc. ? C’est moi apercevant, moi sentant, moi voulant.

On sait enfin qu’il n’y a pas plus d’être réel appelé idée que d’être réel nommé mouvement ; mais il y a des corps mus.

De même il n’y a point d’être réel particulier nommé mémoire, imagination, jugement ; mais nous nous souvenons, nous imaginons, nous jugeons.

Tout cela est d’une vérité incontestable.


LOIS DE LA NATURE.

Maintenant, comment l’Être éternel et formateur produit-il tous ces modes dans des corps organisés ?

A-t-il mis deux êtres dans un grain de froment, dont l’un fera germer l’autre ? A-t-il mis deux êtres dans un cerf, dont l’un fera courir l’autre ? Non sans doute ; mais le grain est doué de la faculté de végéter, et le cerf, de celle de courir.

Qu’est-ce que la végétation ? C’est du mouvement dans la matière. Quelle est cette faculté de courir ? C’est l’arrangement des muscles qui, attachés à des os, conduisent en avant d’autres os attachés à d’autres muscles.

C’est évidemment une mathématique générale qui dirige toute la nature, et qui opère toutes les productions. Le vol des oiseaux, le nagement des poissons, la course des quadrupèdes, sont des effets démontrés des règles du mouvement connues.

La formation, la nutrition, l’accroissement, le dépérissement des animaux, sont de même des effets démontrés de lois mathématiques plus compliquées.

Les sensations, les idées de ces animaux, peuvent-elles être