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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/285

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DE LA COUR DE LOUIS XIV.


et qu'il le reconnaitrait roi d'Angleterre, d'Irlande, et d'Ecosse. Le roi déclara la même chose à la reine d'Angleterre, et proposa de faire venir le prince de Galles pour le mettre dans cette confidence. On le fit venir, et le roi lui parla avec des bontés dont il parut bien pénétré.


LETTRE DU ROI AU ROI D'ESPAGNE.


(2 janvier 1702.) «[1] J'ai toujours approuvé le dessein que vous avez de passer en Italie. Je souhaite de le voir exécuter. Mais plus je m'intéresse à votre gloire, plus je dois songer aux difficultés qu'il ne vous conviendrait point de prévoir comme à moi. Je les ai toutes examinées : vous les avez vues dans le mémoire que Marsin vous a lu ; j'apprends avec plaisir que cela ne vous détourne pas d'un projet aussi digne de votre sang que celui d'aller vous-même défendre vos États en Italie. Il y a des occasions où l'on doit décider soi-même. Puisque les inconvénients que l'on vous a représentés ne vous ébranlent pas, je loue votre fermeté, et je confirme votre décision. Vos sujets vous aimeront davantage, et vous seront encore plus fidèles, lorsqu'ils verront que vous répondez à leurs attentes, et que, bien loin d'imiter la mollesse de vos prédécesseurs, vous exposez votre personne pour défendre les États les plus considérables de votre monarchie. Ma tendresse augmente pour vous à proportion que je vois qu'elle vous est due. Je n'oublierai rien pour votre avantage. Vous savez les efforts que j'ai faits pour chasser vos ennemis d'Italie. Si les troupes que j'y destine encore y étaient arrivées, je vous conseillerais d'aller à Milan, et de vous mettre à la tête de mon armée ; mais, comme il faut auparavant qu'elle soit supérieure à celle de l'empereur, je crois que Votre Majesté doit passer dans le royaume de Naples, où sa présence est plus nécessaire qu'à Milan. Vous y attendrez le commencement de la campagne ; vous y calmerez l'agitation des peuples de ce royaume ; ils souhaitent ardemment de voir leur souverain ; ils ne sont excités à la révolte que par l'espérance d'avoir un roi particulier. Traitez bien la noblesse. Faites espérer du soulagement au peuple, lorsque les affaires le permettront. Écoutez les plaintes. Rendez justice, et vous communiquez avec bonté, sans perdre votre dignité. Distinguez ceux dont le zèle a paru dans ces derniers mouvements. Vous connaîtrez bientôt l'utilité de votre voyage, et le bon effet que votre présence aura produit. Je fais armer quatre vaisseaux qui iront à Barcelone, et vous porteront à Naples avec la reine. Je vois que votre amitié pour elle ne vous permet pas de vous en séparer. Marsin vous informera des troupes que j'envoie à Naples, et des autres détails dont je l'ai instruit au sujet de votre passage. Dieu, qui vous protège visiblement, bénira la justice de votre cause, et j'espère qu'après vous avoir appelé au trône il vous donnera son assistance pour défendre les États dont il a remis le gouvernement entre vos mains. Je le prierai de rendre heureux les desseins que vous for-

  1. Cette lettre est très-fidèlement rapportée ; elle doit être au dépôt.