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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome28.djvu/323

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OU LES LOUANGES DE DIEU.

son orbite et sa rotation sur elle-même ? Comment l'astre de nos nuits se balance-t-il, et pourquoi la terre et lui changent-ils continuellement pendant dix-neuf années la place où leurs orbites doivent se rencontrer ? Le nombre des hommes qui s'élèvent à ces connaissances divines n'est pas une unité sur un million dans le genre humain ; tandis que presque tous les hommes, courbés vers la fange de la terre, ou consument leur vie dans de petites intrigues, ou tuent les hommes leurs frères, et en sont tués pour de l'argent.

Sur un million d'hommes qui rampent ou qui se pavanent sur la terre, on peut à toute force en trouver une cinquantaine qui ont des idées un peu approfondies de ces augustes vérités.

C'est à ce petit nombre de sages que je m'adresse, pour admirer avec eux l'immensité de l'ordre des choses, la puissante intelligence qui respire dans elles, et l'éternité dans laquelle elles nagent, éternité dont un moment est accordé aux individus passagers qui végètent, qui sentent, et qui pensent.

LE SECOND ADORATEUR.

Vous avez admiré, vous avez adoré ; je voudrais avoir été touché. Vous louez, mais vous n'avez point remercié. Que m'importent des millions d'univers, nécessaires sans doute, puisqu'ils existent, mais qui ne me feront aucun bien, et que je ne verrai jamais ? Que m'importe l'immensité, à moi qui suis à peine un point ? Que me fait l'éternité, quand mon existence est bornée à ce moment qui s'écoule ? Ce qui peut exciter ma reconnaissance, c'est que je suis un être végétant, sentant, et ayant du plaisir quelquefois.

Grâces soient à jamais rendues à cet Être nécessaire, éternel, intelligent, et puissant, qui a doué de toute éternité mes confrères les animaux de l'organisation et de la végétation ! Il a voulu que nous eussions tous des poumons, un foie, un pancréas, un estomac, un cœur avec des oreillettes, des veines et des artères, ou l'équivalent de tout cela. C'est un artifice aussi admirable que celui de tant de mondes qui roulent autour de leurs soleils ; mais cet artifice prodigieux ne serait rien si nous n'avions le sentiment qui fait la vie. Il nous a donné à tous les appétits et les organes qui la conservent, et, ce qui mérite encore plus de gratitude, nous lui devons les instruments si chers et si inconcevables par qui la vie est donnée aux êtres qui naissent de nous.

Le grand Être nous fait présent à tous de six organes [1] aux-

  1. Dans l'énumération qu'il en fait d'autre part, Voltaire a oublié l'odorat.