souveraine. Les actionnaires avaient déjà partagé cent cinquante pour cent de leur première mise en 1608, après les dépenses immenses de l’établissement payées sur les profits.
Maintenant, qu’on reproche tant qu’on voudra au duc d’Orléans régent d’avoir rendu la vie à notre compagnie des Indes, et à Louis XIV de l’avoir fait naître ; je dirai : Ils ont tous deux fait une belle entreprise. Le roi de Danemark les a imités, et a réussi. Les Français se sont mal conduits, et ils ont échoué ; la vérité ordonne d’en convenir.
Il faut avouer aussi que la cour de Danemark n’a point envoyé à Tranquebar de missionnaire intrigant, brouillon, et voleur, qui semât la discorde dans les comptoirs, qui en emportât l’argent, et qui en revînt avec onze cent mille francs dans sa cassette, après avoir gagné des âmes à Dieu, comme a fait notre R. P. Lavaur, de la compagnie de Jésus.
On sait assez que l’histoire ne doit être ni un panégyrique, ni une satire, ni un ouvrage de parti, ni un sermon, ni un roman. J’ai eu cette règle devant les yeux quand j’ai osé jeter un œil philosophique sur la terre entière. J’envisage encore le siècle de Louis XIV comme celui du génie, et le siècle présent comme celui qui raisonne sur le génie. J’ai travaillé soixante ans à rendre exactement justice aux grands hommes de ma patrie. J’ai obtenu quelquefois pour récompense la persécution et la calomnie. Je ne me suis point découragé. La vérité m’a été plus précieuse que les clameurs injustes ne sont méprisables. Je ne me défends point ; je défends ceux qui sont morts en servant la patrie ou en l’instruisant. Je défends le maréchal de Villars, non parce que j’ai eu l’honneur de vivre dans sa familiarité dix années consécutives dans ma jeunesse, mais parce qu’il a sauvé l’État, Un misérable réfugié affamé ose, dans sa démence, imprimer [1] qu’à la bataille de Malplaquet ce général passa pour s’être blessé légèrement lui-même [2], afin d’avoir un prétexte de quitter le champ de bataille, et de faire croire qu’il eût été vainqueur sans sa blessure. Je dois confondre l’infamie absurde de ce calomniateur [3].
- ↑ Mémoires de Maintenon, tome V, page 99. (Note de Voltaire.)
- ↑ Voyez la note, tome XIV, page 390.
- ↑
Dans les éditions de 1769 et 1772 on lisait encore ici ce passage :
« Pousse-t-il sa fureur inconcevable jusqu’à dire que le père du roi régnant trahit le roi son grand-père et l’État, et fit prendre Lille de peur que Mme de Maintenon ne fût reine ? Un historien doit réfuter une pareille horreur, que la nation doit punir. »